缅北强奸

Pour expliquer la timidit茅 des universitaires 脿 l'茅gard de l'oeuvre de Romain Gary, Guy Amsellem 茅crit, dans听Romain Gary : les m茅tamorphose de l'identit茅听(2008)

Dans la R茅publique des lettres de l'apr猫s-guerre, Gary cumula plusieurs handicaps. Le succ猫s, tout d'abord. [鈥�] Le gaullisme ensuite, acceptable en 1940, mais sacril猫ge quand l'air du temps, chez les 茅crivains, devient r茅volutionnaire. Au moment o霉 les intellectuels arborent听Le Petit Livre rouge, Gary cite les听M茅moires de guerre.听Pour Sganarelle听enfin, qui, encore aujourd'hui, embarrasse les d茅fenseurs de Gary et renforce ses d茅tracteurs. L'茅crivain, qui y d茅fend comme un forcen茅 le fort Chabrol du roman, qu'il croit assi茅g茅 par les avant-gardes hostiles, aurait ruin茅 sa cr茅dibilit茅. Qu'on la consid猫re comme une aberration dans l'oeuvre de fiction ou, au contraire, comme une cl茅 pour mieux la comprendre, la tentative pamphl茅taire de听Pour Sganarelle听doit 锚tre 茅valu茅e pour ce qu'elle est : la seule incursion de Gary dans le champ th茅orique. Si l'on admet qu'elle ne le qualifie pas comme th茅oricien, elle ne doit pas non plus le disqualifier comme romancier. De sorte que l'on peut se demander si cet essai, auquel aucun des nouveaux romanciers et des 茅crivains engag茅s de l'茅poque ne prit la peine de r茅pondre, ne servit pas 脿 justifier, a posteriori, le jugement d茅j脿 r茅dig茅 d'un Gary condamn茅 par l'ampleur de ses succ猫s et l'茅troitesse de ses options doctrinales.(Amsellem, 95)

Qu'en moins d'une dizaine de lignes l'auteur, par ailleurs 芦 d茅fenseur 禄 de Gary, d茅signe听Pour Sganarelle听de vocables aussi vari茅s (pamphlet, ouvrage th茅orique, essai) illustre bien le malentendu qui continue de planer sur ce livre 脿 la verve d茅routante, malgr茅 le retrait des avant-gardes et le nouvel air du temps. Les appellations g茅n茅riques d'Amsellem surprennent par leur caract猫re impropre, les cinq cent cinquante (550) pages de听Pour Sganarelle听se pr锚tant mal 脿 la concision pamphl茅taire, et l'ambition th茅orique, rabattue dans tous les coins du livre, n'y pointant pas m锚me le bout de son nez. L'essai convient mieux 脿 la forme et 脿 l'esprit g茅n茅ral du livre, mais l脿 encore, ce ne peut 锚tre qu'une 芦 gueule 禄 qu'on lui fait, pour emprunter l'expression de Gombrowicz si ch猫re 脿 Gary. Sous-titr茅听Recherche d'un personnage et d'un roman,听Pour Sganarelle听est pr茅sent茅 par le romancier comme 芦 une pr茅face 脿 un roman en cours d'茅laboration 禄. On s'茅tonne que l'ouvrage n'ait pas 茅t茅 re莽u pour ce qu'il pr茅tend 锚tre et constitue effectivement : une incursion dans l'atelier du romancier, un portrait du lieu (imaginaire et intellectuel) de travail o霉, partant d'芦 un 茅tat d'absence du personnage et du roman 禄 (Gary, 12), Gary parvient au bout de quelques centaines de pages 脿 芦 vivre 禄 son personnage, 脿 sentir en lui 芦 sa passion tumultueuse, son amour de la vie, sa d茅rision, sa volont茅 de se jeter contre tous les rivages p茅trifi茅s de la r茅alit茅. 禄 (Gary, 551) Il est vrai que les accusations qu'adresse Gary 脿 ses nombreux ennemis (Nouveaux romanciers, 茅crivains engag茅s, Freud, Marx, petite-bourgeoisie bien-pensante, etc.) et la constellation des id茅es sur le roman occupent le discours de mani猫re soutenue, mais elles ne sauraient tout de m锚me faire de l'ombre au mouvement perp茅tuel de la pens茅e et de l'imagination du romancier, dont le personnage et le roman sont les seuls desseins. Peut-锚tre qu'il aurait 茅t茅 plus prudent, 脿 l'instar de Milan Kundera, de faire pr茅c茅der les premi猫res lignes de son ouvrage par un billet d'aveu : 芦 Le monde des th茅ories n'est pas le mien. Ces r茅flexions sont celles d'un praticien . 禄 Mais Gary a prouv茅 depuis longtemps qu'il pr茅f猫re l'insouciance 脿 la prudence.

Une autre histoire.

Si la d茅fense et l'illustration de ses id茅es sur le roman avaient 茅t茅 le seul objectif 脿 l'origine de听Pour Sganarelle, Gary aurait pu 茅crire une plaquette d'une trentaine de pages. L'ouvrage contient en effet toute la substance de sa pens茅e sur le roman dans les deux premiers chapitres, que les soixante suivants ne font que reprendre ou, plus pr茅cis茅ment, rejouer. Le 芦 souci dominant 禄 (Gary, quatri猫me de couverture) de son livre 茅tant la poursuite d'un personnage et d'un roman, Gary affirme cependant n'avoir pu 芦 [se] dispenser de [s']empoigner avec quelques 鈥渢h茅ories鈥� litt茅raires et philosophiques que les hommes de [sa] g茅n茅ration on vu pousser en bordure du chemin . 禄 Il est vrai que la poigne de Gary est ferme et qu'elle occupe le discours de mani猫re insistante; aux yeux de ceux qui sont 茅branl茅s par la pol茅mique de l'茅crivain, les 茅tapes de la recherche du personnage et du roman peuvent ainsi passer presque inaper莽ues. Une prose r茅p茅titive, circulaire et obsessionnelle m猫ne le lecteur dans les coins et les recoins d'une pens茅e 脿 cent lieux du syst猫me, qui cherche moins 脿 convaincre qu'脿 partager le magma culturel ayant le pouvoir de g茅n茅rer une oeuvre. Ce libre d茅veloppement des id茅es met en sc猫ne le processus de cr茅ation comme mouvement, comme flux, et prend la forme du monologue int茅rieur de l'artiste, qui dialogue perp茅tuellement avec l'art (en tant que lecteur et spectateur), l'histoire de son temps (en tant que citoyen), ses pairs (en tant qu'acteur du champ litt茅raire) et sa propre cr茅ation (en tant que romancier).

De ces portes ouvertes sur l'espace de cr茅ation du romancier, on ne trouve gu猫re qu'une poign茅e d'exemples, auxquels s'ajoutent les traces laiss茅es par la correspondance des romanciers qui ne disposaient encore que du papier comme support textuel. Le parcours d'une oeuvre, son aventure pour ainsi dire, est rarement racont茅e. Jacques Laurent se pr锚te au jeu dans听Le Roman du roman听(1977), o霉 il d茅crit les diff茅rentes 茅tapes qui ont transform茅 un souvenir d'enfance en un roman. Pour Sganarelle et Le Roman du roman ne partagent pas uniquement le projet de raconter le roman 鈥� la cr茅ation d'une oeuvre et la naissance et la vie d'un art. On trouve dans leur propos, malgr茅 la diff茅rence de ton et de composition, des similitudes th茅matiques, des id茅es communes, une certaine parent茅. Certaines lignes de pens茅e concourent 茅videmment 脿 茅loigner ces deux textes, mais leur rapprochement permet tout de m锚me de faire le portrait d'une pens茅e sur le roman qui nous est moins connue. Auraient pu 锚tre greff茅s 脿 cet exercice le Journal des Faux-monnayeurs听de Gide ou听L'Art du roman听de Kundera. Le projet, qui permettrait en quelque sorte de traverser le XXe si猫cle, pourra faire l'objet d'une recherche ult茅rieurement.

Dis-moi contre qui tu te bats et je te dirai qui tu es.

Le premier point de convergence qu'on voudra relever dans la pens茅e de Gary et de Laurent est la mani猫re avec laquelle ils se posent 脿 la fois contre le nouveau roman et contre le roman engag茅. Rappelant le scandale soulev茅 par la critique assassine du nouveau roman formul茅e par Kl茅ber Haedens, Jacques Laurent se montre cat茅gorique : 芦 le nouveau roman [鈥�] a obtenu, et par nouveau roman j'entends aussi nouvelle critique, une v茅n茅ration religieuse. L'attaquer constitue un acte contre-r茅volutionnaire. Qui s'y hasarde se d茅voile un ennemi de l'intelligence. C'est un fasciste . 禄 Le caract猫re consensuel des 芦 茅coles 禄 litt茅raires exasp猫re Jacques Laurent, qui ne peut concevoir l'artiste comme le membre 芦 d'une arm茅e, d'une meute de loups, d'une compagnie d'oies sauvages 禄, mais l'envisage plut么t comme 芦 une solitude organisatrice 禄 (Laurent, 186). Son opposition au nouveau roman et 脿 la nouvelle critique concerne, en premier lieu, l'op茅ration table rase men茅e par 芦 la coalition des romanciers en qu锚te de critiques et des critiques en qu锚te de romanciers 禄 (Laurent, 189). Aussit么t le moment venu de prendre ses distances par rapport 脿 cette op茅ration, le texte, plac茅 dans l'ensemble sous le signe de la maturit茅 paisible et de la critique m茅ditative, se fait volontiers railleur et ironique.

Le roman 茅tant une chose trop s茅rieuse pour 锚tre confi茅e aux romanciers, la nouvelle critique les supprime et les enterre en les qualifiant de romanciers traditionnalistes ou classiques ou anciens. Les oeuvres que sur deux mill茅naires les romanciers avaient produites sont condamn茅es globalement comme conventionnelles, et r茅form茅es sans pension. (Laurent, 188)

En deuxi猫me lieu, l'opposition au nouveau roman concerne la pr茅dilection pour la construction ou la forme, adress茅es selon lui aux linguistes et aux math茅maticiens, dont la principale cons茅quence est d'exclure du roman le domaine de l'exp茅rience. S'ils se r茅fugient dans le territoire de l'abstraction du langage et des formes, s'ils renvoient d'un seul geste les personnages, les dialogues, l'intrigue et la description, les 茅crivains ne peuvent pas, selon Laurent, se r茅clamer du roman, f没t-il nouveau.

L'opposition au roman engag茅 est plus g茅n茅rale et en ce sens, elle englobe celle du nouveau roman. Sartre est, on le devine, la cible de Laurent, mais il est 茅vident que c'est moins la sp茅cificit茅 de son discours que sa d茅marche qui fait l'objet de la critique. Cette d茅marche est celle qui consiste 脿 imposer des r猫gles au roman, 脿 le soumettre 脿 un 芦 cat茅chisme 禄 moral ou esth茅tique (Laurent, 184) :

Sartre ne veut pas que le romancier ramasse les situations, saute des dialogues, juge ses personnages, sache ce qu'ils ne savent pas. C'est son droit. Mais d'une pr茅dilection personnelle, il entend faire une loi applicable 脿 tous et c'est au nom de cette loi, par exemple, qu'il juge que Mauriac n'est pas un romancier. Pour fonder la loi, il recourt aux m锚mes leurres que Zola, Taine et Bourget, et assimile la critique et la science [鈥�]. (Laurent, 185)

Aucune r猫gle morale ou technique ne saurait s'appliquer au roman, puisque c'est 芦 un genre qui [est] n茅 de sa libert茅 et qui [s'est] nourri de son d茅r猫glement. 禄 (Laurent, 155) Depuis sa naissance, que Jacques Laurent situe dans l'Antiquit茅 avec le Satyricon, cette libert茅 et ce d茅r猫glement n'ont cess茅 de d茅fier l'autorit茅 sous toutes ses formes 鈥� universit茅, 茅tat, religion, etc. 鈥� d'o霉 les nombreuses tentatives de le faire entrer dans un moule ou de d茅terminer une fois pour toutes les normes qui le r茅gissent.

C'est avec une 茅gale passion que Romain Gary, une dizaine d'ann茅es plus t么t, exprimait 脿 propos du nouveau roman les m锚mes id茅es :

C'est un roman [鈥�] qui voudrait rompre avec la culture par souci de retrouver la perception vierge d'avant la conscience, nostalgie adamique du primate, une volont茅 de table rase qui permettrait 脿 votre millim猫tre de litt茅rature, d'occuper, sur cet espace blanc, un maximum de visibilit茅. Rien de tel, en effet, que de rompre avec la culture, avec la 鈥渢radition鈥� du roman 鈥渃lassique鈥� qui 鈥渁 d茅j脿 tout donn茅鈥�, pour permettre 脿 votre genre de talent d'茅chapper 脿 ces 茅talons de mesure qui s'appellent Tolsto茂, Cervantes, Balzac, Dosto茂evsky. (Gary, 64)

Vouloir rompre avec le pass茅 reviendrait, selon Gary, 脿 vouloir rompre avec l'homme (Gary, 97), une op茅ration toujours d茅j脿 vou茅e 脿 l'茅chec en raison de l'usage du langage : 芦 le langage en lui-m锚me est charg茅 d'un sens toujours anachronique [鈥�] il est irr茅m茅diablement prisonnier du pass茅 qui l'infecte de ses 鈥渧aleurs鈥� et de sa 鈥減ens茅e鈥�. [鈥�] c'est 脿 une 茅ternelle 鈥渞茅alisation鈥� du pass茅 que le langage nous condamne. 禄 (Gary, 120) Au nouveau roman, Gary reproche aussi 芦 l'茅l茅vation du langage au rang de valeur en soi (Gary, 83), dont la principale cons茅quence est la mise 脿 l'茅cart des cat茅gories esth茅tiques du roman (personnage, p茅rip茅tie, description, etc.) qui, traditionnellement, int猫grent ou int茅riorisent la r茅alit茅 dans le monde imaginaire. Pour celui qui situe l'essence du roman dans le personnage et qui consid猫re l'aventure picaresque comme son intrigue de pr茅dilection, il est 茅vident que le rejet du personnage et de ses p茅rip茅ties est une aberration. Avec la fleur de son style pol茅mique et rieur, il se fait ferme :

Je dirai simplement que le personnage est r茅solu 脿 se d茅fendre contre tout g茅nocide, quelle que soit la th茅orie au nom de laquelle il est pratiqu茅 : raciale ou litt茅raire. Il voit sa situation sous un jour tr猫s simple : il est pr锚t 脿 accepter tous les romans, et tout dans le roman, sauf ce qui l'exclut, parce qu'il con莽oit que l'homme pourrait 脿 la rigueur se laisser s茅duire par toutes les th茅ories, sauf par celles qui l'excluent. (Gary, 185)

L'芦 anecdote 禄, rejet茅e avec d茅dain par les Robbe-Grillet de son temps au nom de la profondeur et de l'authenticit茅, est pour lui de la plus haute importance : 芦 Conrad, Kipling, La Chartreuse de Parme, Pouchkine, Dickens, Dosto茂evsky et les Mille et Une Nuits racontent encore. S'il n'茅tait plus possible de raconter, ils se seraient tus depuis longtemps. 禄 (Gary, 216. Gary souligne) On notera que Gary n'a, en v茅rit茅, aucune hostilit茅 pr茅jug茅e 脿 l'茅gard des oeuvres des nouveaux romanciers. Son respect pour Philippe Sollers est 茅vident, et les pointes les plus ac茅r茅es de son discours ne visent pas des oeuvres, mais une certaine id茅e du roman. Ses attaquent s'adressent 脿 toutes les formes de tyrannie du roman, qui r茅duisent 脿 un seul point de vue la complexit茅 d'un monde multiforme et en constante transformation ou, pour le dire autrement, qui font d'une vision du monde individuelle (donc historique) une condition universelle (et anhistorique) :

Prenez n'importe lequel de ces romans totalitaires depuis Kafka : le rapport personnel particulier n'est pas avou茅, il n'est m锚me pas mentionn茅 ou sous-entendu, il est transf茅r茅. Ce n'est pas 脿 leur moment historique particulier et individuel, 脿 une 茅tape, une p茅rip茅tie du Roman que M. Le Cl茅zio, M. Faye, M. Robbe-Grillet d茅clarent avoir affaire : c'est 脿 une permanence non historique dans sa Situation irr茅m茅diable. [鈥�] un transfert que l'on avoue jamais, tout comme si un ouvrier d'avant le syndicalisme et la gr猫ve 茅rigeait sa situation en 芦 condition humaine 禄 [鈥�]. (S, 36)

Une vision aussi 茅troite du monde et de l'homme emprisonne le roman, qui ne vit que de libert茅. 芦 Tout est permis, dans l'art, 茅crit Gary, sauf l'茅chec [鈥�] 禄. (Gary, 58)
On comprend pourquoi Gary a aussi l'engagement de la litt茅rature en horreur. Toute forme de soumission 脿 une id茅ologie, une philosophie ou 脿 une morale est pour lui une atteinte 脿 la libert茅 du roman et de son personnage, qui devrait 芦 [fuir] en avant toutes les polices d'un ordre m茅taphysique, [sauter] pardessus tous les 鈥渘茅ants鈥� et [faire] crouler sous sa l茅g猫ret茅 tous les murs d'incompr茅hension et toutes les prisons de 鈥渧茅rit茅鈥� d茅finitive dans lesquelles on essaie de l'enfermer. 禄 (Gary, 71)Gary explique le besoin et le d茅sir de justification morale ou m茅taphysique du roman par un complexe de culpabilit茅 du romancier, 芦 accus茅 par la morale bourgeoise d'锚tre un menteur et une bouche inutile. 禄 (Gary, 187) Sartre est bien entendu une victime privil茅gi茅e de ses foudres; on pourrait multiplier les exemples 脿 l'envi o霉 il fait de lui la cible d'un persiflage insolent, hyperbolique, acharn茅, dont l'objectif ultime n'est pourtant que d'exprimer sa propre vision du roman :

Les non-valeurs, les valeurs fausses, creuses, monstrueuses, arri茅r茅es ont inspir茅es des oeuvres g茅niales, comme les techniques 芦 abusives 禄 les ont aid茅es 脿 se mat茅rialiser, ce qui me semble bien d茅finir, 茅clairer et terminer, en quelque sorte, la question des rapports de l'art, du roman, avec la v茅rit茅, aussi bien avec Dieu, qu'avec le communisme, avec le capitalisme qu'avec le camembert. [鈥�] La seule valeur authentique poursuivie par le romancier [鈥�], c'est l'oeuvre. (Gary, 210)

C'est ainsi comme un art qui ne r茅pond d'aucune r猫gle que Gary d茅crit le roman, une d茅finition qui a sans doute peu d'茅clat r茅volutionnaire 脿 nos yeux, mais qui, au moment o霉 il 茅crit, s'茅loigne radicalement des pr茅ceptes de ses contemporains. Maintenant que l'h茅g茅monie des 茅coles structuralistes s'est dissolue et que la litt茅rature a fait son retour 脿 la 芦 lisibilit茅 禄, la pens茅e de Gary semble moins marginale du point de vue de son rejet de l'abstraction et de son 茅loge du personnage et de l'intrigue. La question morale, quant 脿 elle, offre peut-锚tre encore de la r茅sistance, puisque la vision 茅thique de la litt茅rature a aujourd'hui le vent dans les voiles. On est gu猫re surpris de d茅couvrir que Gary ne m茅nage pas ses ardeurs : 芦 L'茅thique, chez le romancier, c'est les larmes de crocodile de l'esth茅tique鈥� 禄 (Gary, 145) Ou encore, pour jouir un peu de sa finesse ironique : 芦 les aveugles ne r茅clament pas un monde de yeux crev茅s, ceux qui ont faim ne veulent emp锚cher personne de faire l'amour [鈥�] 禄 (Gary, 108)

搁茅补濒颈迟茅蝉.

Pour Sganarelle听别迟听Le Roman du roman听ont aussi en commun de proposer une m锚me vision du rapport entre le roman et la r茅alit茅. Du point de vue g茅n茅tique, les deux romanciers affirment que le roman na卯t d'une rivalit茅 avec la r茅alit茅. Faisant sienne une observation de Sainte-Beuve, Jacques Laurent 茅crit : 芦 Les romanciers n'aiment g茅n茅ralement pas l'茅poque o霉 ils vivent. 禄 (Laurent, 77); et, d茅crivant la sp茅cificit茅 du personnage romanesque : 芦 Le th茅芒tre et les essais moraux visaient 脿 analyser ce qui existe alors que le roman concurrence ce qui existe et cela lui interdit les types que la nature ne cr茅e jamais. 禄 (Laurent ,73) Le roman, pour le dire plus simplement, 芦 est n茅 pour s'expliquer avec l'imparfait 禄 (Laurent ,74) du monde et des hommes. Chez Gary, l'id茅e d'une 芦 rivalit茅 artistique de la cr茅ation avec la r茅alit茅 禄 (Gary, 93) est longuement et abondamment d茅velopp茅e; elle constitue un des piliers de sa pens茅e. Le roman na卯trait selon lui du malaise provoqu茅 par l'insuffisance de la r茅alit茅 : 芦 Tout chef-d'oeuvre est d'abord ce qui n'est pas : c'est une absence dans la r茅alit茅 dont il nous fait prendre conscience. 禄 (Gary, 126) Le roman na卯t de ce malaise et en fait le partage, pour ainsi dire, par le biais de la culture :

Le d茅calage entre l'univers romanesque et l'univers r茅el au sein de l'oeuvre s'installe entre notre conscience et la r茅alit茅 : celle-ci devient 诲茅肠丑耻别. Nous devenons soudain, dans nos rapports avec elle, plus sensibles 脿 ce qui n'est pas, qu'脿 ce qui est : ce sont les conditions m锚me du progr猫s que ce dynamisme de l'aspiration installe ainsi en nous. Que ce soit dans le roman ou dans le mus茅e, rien ne peut plus faire dispara卯tre cette exp茅rience dont notre conscience et notre regard sont charg茅s; il n'existe pas de chef-d'oeuvre qui ne laisse le monde inchang茅. (Gary, 190)

La rivalit茅 entre le roman et la r茅alit茅 est souvent une mani猫re de d茅fendre la libert茅 totale du roman par rapport 脿 l'engagement moral ou politique, mais en dehors de ce que nous pouvons ici consid茅rer comme un parti pris, la description d'un tel rapport insiste sur un aspect essentiel de sa pens茅e, voulant que le roman int猫gre la r茅alit茅 tout en marquant une distance par rapport 脿 elle.

Que la volont茅 de faire changer la r茅alit茅 soit sa source d'inspiration, qu'il [le romancier] 茅crive pour ou contre sa source d'inspiration, pour la faire cesser en tant qu'injustice, ne change rien au fait qu'il doit l'int茅grer dans son oeuvre, en faire un ingr茅dient, l'int茅rioriser, et qu'il ne peut y avoir d'autre rapport entre une id茅ologie, des concepts et le Roman qu'entre la paix et la guerre dans Guerre et Paix. (Gary, 205)

Pour Gary et pour Laurent, cette int茅gration-distanciation pourrait bien 锚tre le propre de l'art du roman. Laurent ne manque pas de rappeler que 芦 pendant le temps o霉 il 茅crit un livre le romancier est aux prises avec l'existence 禄 (R, 74) et qu'il 芦 n'a pas le droit d'ignorer la nature 禄 (Laurent, 73) : 芦 Tant么t la cr茅ation romanesque est limit茅 par : la nature ne cr茅e pas 莽a. [鈥�] Tant么t la cr茅ation est limit茅 par : seule la nature et par une mani猫re de miracle peut cr茅er 莽a et l'important est que ce soit elle qui l'ait cr茅茅. 禄 (Laurent, 73)
La prose, pour Gary et pour Laurent, est ce par quoi la r茅alit茅 p茅n猫tre d'abord et avant tout le roman. Une part importante de la premi猫re partie du texte de Laurent est consacr茅e 脿 la d茅couverte des sp茅cificit茅s de la prose, qui appelle un usage usuel de la langue, contrairement 脿 la po茅sie, 芦 qui [demande] aux mots de signifier autre chose que ce qu'ils [ont] l'habitude de signifier [鈥�] 禄 (Laurent, 18) Laurent raconte comment, d'abord port茅 脿 transcrire le contenu de son souvenir d'enfance en vers, il s'est but茅 au probl猫me des mots : 芦 Le mot dans le po猫me est 脿 la fois mat茅riau et architecture. [鈥�] En abandonnant le pouvoir aux mots je renon莽ais 脿 tirer parti des 茅motions qui avaient 茅t茅 脿 l'origine de mon d茅sir d'茅crire; je leur substituais de nouvelles 茅motions qui 茅taient verbales. 禄 (Laurent, 27) C'est ainsi que Laurent d茅couvre que le 芦 naturel de la prose 禄 (Laurent, 22) a un pouvoir concentrateur au moins 茅gal au langage po茅tique. Mais parce qu'il 芦 joue sur une in茅galit茅 de condensations 禄 (Laurent, 24) et qu'il fait le pari d'une langue prosa茂que, son 茅quilibre est plus p茅rilleux. C'est l脿 o霉 le romancier doit montrer du g茅nie.

Gary exprime le m锚me attachement 脿 la langue prosa茂que, qui est, selon lui aussi, plus pr猫s de l'exp茅rience. Il cherche 脿 prendre un maximum de distance par rapport 脿 ce qu'il nomme 芦 le roman de la litt茅rature 禄 (S, 139), qui fait un usage abstrait (et p茅dant) du langage. Afin d'茅viter les pi猫ges tendus par la langue fran莽aise, qu'il consid猫re particuli猫rement propice 脿 l'abstraction, il se propose d'茅crire le premier jet de son roman en anglais.

L'anglais se pr锚te mal, de l'aveu m锚me des 茅crivains anglo-saxons, aux entra卯nements conceptuels [鈥�]; de plus, mon vocabulaire en anglais est plus limit茅, je serai infiniment moins tent茅 d'explorer les possibilit茅s de la langue que celles de mon imagination, de l'Histoire, de l'aventure, du mouvement, de la vie. Je gagnerai en r茅alisme, en communication directe, en exp茅rience vivante, de ce que perdrai en subtilit茅 et en abstraction [鈥�] (Gary, 139)

脌 propos du rapport qu'entretient le roman avec la r茅alit茅, Gary n'est pas dupe : il sait que leurs dimension sont incommensurables.

La forme litt茅raire en elle-m锚me est incompatible avec la r茅alit茅. Tout style est d茅formation de ce qui est. Chaque mot est une culture mill茅naire [鈥�] Mais lorsqu'on introduit l'imagination, il est vraiment inconcevable qu'on puisse parler d'autre chose que d'imaginaire : c'est, irr茅m茅diablement, un changement de nature. (Gary, 186)

Le d茅fi du romancier est de rendre le monde imaginaire plausible, vraisemblable. S茅duire, persuader, voil脿 son unique t芒che. Et cela n'a rien d'une exigence de r茅alisme au sens o霉 l'entendaient Balzac ou Zola. La vraisemblance est d'abord et avant tout une question d'adh茅sion du lecteur 脿 un univers invent茅 de toutes pi猫ces, expression que Gary affectionne particuli猫rement.

D茅barrassons-nous-en une fois pour toutes : tout est imagination et r茅alit茅 dans l'oeuvre romanesque et donc rien, ni le concept, ni le monde authentique repr茅sent茅 ne peut, ne saurait 锚tre r茅alit茅. [鈥�] Il n'est pas concevable que l'imagination puisse coexister pacifiquement avec la r茅alit茅, qu'elle puisse la respecter. On peut seulement quitter la r茅alit茅 avec le maximum de discr茅tion, c'est-脿-dire de r茅alisme, en emportant dans ses bagages la connaissance famili猫re du monde commune au lecteur et au romancier. On n'utilise ce monde que pour authentifier celui de la fiction, afin que le lecteur ne s'aper莽oive pas du passage de la fronti猫re de l'imaginaire : son adh茅sion pendant la lecture t茅moigne de la victoire du romancier sur la Puissance de la r茅alit茅. (Gary, 130)

Jacques Laurent exprime la m锚me id茅e, dans des termes similaires :

Alors que le po猫te ne pr茅tend que communiquer son 茅motion, le romancier a besoin du cr茅dit parce que son entreprise consiste 脿 nous faire tenir le monde qu'il a cr茅茅 comme aussi vrai qu'un autre, aussi vrai que celui o霉 le lecteur croit vivre quotidiennement. La prose romanesque touche 脿 l'intense quand la distance entre l'objet et l'auteur 鈥� donc le lecteur 鈥� diminue au point de s'annuler. [鈥�] pendant un instant, le d茅miurge a r茅ussi son oeuvre au point que l'on est fond茅 脿 douter de son existence, comme on douterait de celle de Dieu. En Gr猫ce, le mot m茅taphore se lit sur les camions de transport. Les m茅taphores de la prose consistent 脿 transporter les mots dans les choses o霉 ils se dissolvent; elles trament la neutre et secr猫te po茅sie du roman. Et celui-ci en tire le cr茅dit dont il a besoin pour respirer. (Laurent, 25)

Le mot est l芒ch茅 : le romancier est un d茅miurge. Il s'agit du dernier point de convergence qu'on notera ici entre la pens茅e de Gary et celle de Laurent. Les deux romanciers pr茅sentent en effet le romancier comme un d茅miurge et ne font pas de ce caract猫re une m茅taphore banale. 芦 Un romancier peut recevoir d'un autre romancier mais aucun romancier n'est le p猫re d'un autre parce que nul n'est le p猫re d'un d茅miurge 禄 (Laurent, 63), 茅crit Laurent. Lorsqu'il d茅sapprouve le travail des critiques qui 芦 [expliquent] Proust avec les fl猫ches et les triangles dont L茅vi-Strauss [fait usage] pour analyser les structures parentales de tribus qui l'int茅ressent 禄 (Laurent, 91), Laurent fait encore un 茅loge de la libert茅 du romancier et du roman : 芦 Heureux Dosto茂evski qui avait d'autres probl猫mes 脿 enflammer au fond de lui et ne s'en faisait pas un de savoir quand il avait le droit d'entrer dans le cerveau d'une de ses cr茅atures et d'en sortir; il est romanciers comme on doit l'锚tre : de droit divin. 禄 (Laurent, 91) Vers la fin du livre est encore reprise cette id茅e : 芦 Le romancier est un d茅miurge qui passe derri猫re Dieu comme un glaneur et qui, 脿 travers le champ de la realitas possibilis, choisit un monde qui n'a pas acc茅d茅 脿 l'existence et la lui donne. 禄 (Laurent, 201)

脌 Robbe-Grillet, qui demande comment le romancier ose 芦 jouer Dieu 禄, Gary offre une r茅ponse 茅loquente :

Oui, Monsieur, le romancier joue Dieu, comme vous le faites vous-m锚me lorsque vous cr茅ez un monde, 脿 partir, comme nous tous, d'une certaine r茅alit茅, un monde ensuite organis茅, arrang茅 par vous, 茅clair茅, choisi, pr茅sent茅 par vous, envelopp茅 et livr茅 par vous, l茅gitimement d茅form茅 par vous comme par Picasso, personnalis茅 par vous, p茅n茅tr茅 de vous, rendu 脿 l'aide de vos mots, de votre psychisme, de votre singularit茅, de vos moyens, de votre regard, un monde qui est vous et vient de vous et qui n'est pas plus authentique, vrai, pas plus existant objectivement dans la r茅alit茅 hors de votre d茅cision, de votre optique, de votre propos d茅lib茅r茅 que celui de James Bond ou du Vicomte de Bragelonne. Vous choisissez votre forme de mensonge romanesque et votre fa莽on de jouer Dieu d'une mani猫re diff茅rente de celle de Tolsto茂 pour cr茅er votre propre domaine litt茅raire et non moins arbitraire que celui de n'importe quel Jules romancier, et si vos ambitions vous paraissent plus mesur茅es, plus modestes, plus microscopiques que celles de Balzac, voil脿 qui ne change rien 脿 l'affaire; mettons que, dans votre roman, vous jouez Dieu plus modestement que Balzac, avec des r茅sultats plus modestes, et que vous avez une id茅e juste de votre Toute-Puissance.
Et, du reste, il n'y a pas que le romancier. L'homme lui-m锚me joue Dieu, je ne connais pas d'autre ambition 脿 celui qui cr茅e, explique, d茅couvre, se lib猫re, construit, cherche 脿 surmonter sa donn茅e premi猫re, 脿 se transformer, 脿 rem茅dier. L'expression de cette volont茅 historique se retrouve dans le roman, le romancier l'assume, l'incarne, joue Dieu, incarne le d茅sir de l'homme et le creuse, le nourrit ainsi, t茅moigne par sa mimique de cette aspiration des hommes 脿 se rendre ma卯tres de leur destin. (Gary, 41)

Peut-锚tre n'est-ce pas un hasard, 脿 ce titre, si听Pour Sganarelle听别迟听Le Roman du roman听s'ouvrent tous deux sur la question du commencement. Chez Laurent : 芦 Le roman n'est pas sorti de la cuisse de Jupiter. C'est un la茂que dont la roture est parfaite. 禄 (Laurent, 7) Chez Gary : 芦 Commen莽ons par Tolsto茂, puisque aussi bien il me tombe sous la main. 禄 (Gary, 11) D猫s les premi猫res lignes de ces deux textes est annonc茅e la forme emprunt茅e. Laurent prend en effet le roman 脿 ses d茅buts, dans l'Antiquit茅, et raconte son histoire en suivant la traditionnelle chronologie. Gary choisit plut么t d'茅voquer la naissance du roman de mani猫re al茅atoire, suivant le hasard de ce qui lui tombe sous la main. L'ensemble de l'ouvrage fait appel aux oeuvres et aux romanciers dans un constant va-et-vient d茅sordonn茅 et sans souci chronologique. Chez l'un et chez l'autre, cependant, la cr茅ation et la naissance sont des 茅v茅nements au sens fort, des passages de la non existence 脿 l'existence.

Pour conclure.

Pour 锚tre tout 脿 fait juste, il aurait fallu dresser ici la liste des aspects qui distinguent les deux ouvrages. Ceux-ci sont nombreux, en nombre suffisant, du moins, pour ne pas assimiler une pens茅e 脿 l'autre. Sans r茅duire la port茅e de ces vecteurs divergents, on voudra cependant remarquer qu'ils n'affectent pas les similitudes dont on a fait le relev茅. Gary se voue enti猫rement 脿 la parodie, 脿 l'ironie, au culte du personnage et des aventures picaresques, alors que Laurent trouve difficile d'茅tablir une distinction nette entre le caract猫re et l'action d'un roman, et croit que 芦 l'humour n'est pas romancier 禄 (Laurent, 97). Cela n'affecte en rien le rapport singulier du roman avec la r茅alit茅 dont on a voulu ici d茅crire les caract茅ristiques. Pour conclure ce portrait raisonn茅 des textes de Romain Gary et de Jacques Laurent, qui se donnait comme objectif d'en faire ressortir les similitudes, il convient de relever l'image de l'oc茅an, que l'on retrouve chez les deux romanciers. Gary, d茅j脿, intitule son roman听Fr猫re Oc茅an听et 脿 plusieurs reprises dans son texte, associe l'oc茅an 脿 la culture. Un passage du texte de Laurent, qui pourrait presque passer inaper莽u, fait de cette m茅taphore un moment surprenant dans la pr茅sentation de ses id茅es :

En sanglant la trag茅die jusqu'脿 la ligoter, la r猫gle esth茅tique, prenant la rigueur d'une loi religieuse, l'avait faite. Sans liens la trag茅die n'aurait pas exist茅. J'ai tord donc de la pr茅senter comme ligot茅e, c'est comme si j'avan莽ais qu'une sculpture est sculpt茅e, car, d茅li茅e, une trag茅die n'existe pas; les liens font partie de son corps, de son squelette comme de ses nerfs. On peut d茅couvrir dans la trag茅die des produits qui ne sont pas dus aux r猫gles mais ils lui sont trop li茅s pour qu'on puisse davantage les dissocier que le mollusque et sa coquille. Une trag茅die? Un coquillage? Il y a une eau-forte de Rembrandt qui repr茅sente un coquillage devant lequel on peut demeurer 茅ternellement pour peu qu'on se demande ce qui revient 脿 la volont茅 de la coquille, 脿 la volont茅 de la chair, 脿 la volont茅 de l'oc茅an et 脿 celle de Rembrandt. 脌 la fin du XVIIe si猫cle, c'est-脿-dire au d茅but du XVIIIe, la trag茅die sombre parce que le d茅saccord du mollusque et de la conque a d茅courag茅 l'oc茅an et le po猫te. (Laurent, 55)
听

Ouvrages cit茅s :

• Guy Amsellem,听Romain Gary : les m茅tamorphose de l'identit茅, Paris, L'Harmattan, 2008.
• Romain Gary,听Pour Sganarelle. Recherche d'un personnage et d'un roman, Paris, Gallimard, coll. 芦 Folio 禄, 1965.
• Milan Kundera,听L'art du roman, Paris, Gallimard, 1986.
• Jacques Laurent,听Le Roman du roman, Paris, Gallimard, 1977.

脌 ce jour, cette bibliographie est encore partielle. Puisque Romain Gary a consign茅 une grande partie de sa pens茅e sur le roman dans听Pour Sganarelle, cet ouvrage a fait ici l'objet d'une attention particuli猫re.

Pour Sganarelle. Recherche d'un personnage et d'un roman, Paris, Gallimard, coll. "Folio", 1965.

Interview de Romain GARY par Pierre DUMAYET 脿 l'茅mission听Lectures pour tous, 19 d茅cembre 1956, 7min40s.

Commentaire:

Dans cette entrevue, Gary r茅pond aux critiques s茅v猫res de son roman听Les Racines du ciel,听notamment au reproche d'锚tre "mal 茅crit". Gary note que la critique attribue maladroitement le langage des personnages 脿 celui de l'auteur et explique que les maladresses linguistiques sont un moyen d'exprimer la personnalit茅 ou les particularit茅s d'un personnage.

Gary affirme qu'脿 tout ouvrage correspond un style, et que le sujet d'un roman d茅termine en quelque sorte la mani猫re avec laquelle il sera 茅crit. Dans les听Racines du Ciel, il est question de troupeaux d'茅l茅phants et les p茅rip茅ties se succ猫dent sans r茅pit, il est dont impensable d'茅crire un tel roman avec le langage de la princesse de Cl猫ve. L'茅crivain se doit d'inventer son propre langage et parfois, comme Gary l'a fait 脿 quelques reprises, d'inventer des mots qui correspondent exactement 脿 ce qu'il souhaite exprimer.

Gary se dit heureux et satisfait de la cohue qui entoure la r茅ception du Goncourt pour Les Racines du Ciel. Qu'un roman puisse encore provoquer des d茅bats, soulever les passions, susciter la discussion est selon lui un signe de sant茅 et de libert茅 culturelles.