Chercheur au Neuro, au Département de génie biomédical de Ã山ǿ¼é et à l’Institut québécois d’intelligence artificielle, Danilo Bzdok discerne des schémas dans les données neurologiques et psychologiques humaines grâce à l’apprentissage automatique. , il a procédé à l’analyse des profils de personnalités, du statut démographique et du mode de vie d’une cohorte de 40 000 participants d’âge mûr issue de la base de données biomédicales . Leurs recherches ont porté sur les liens existant entre ces domaines eux-mêmes et avec la structure du cerveau.
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En quelques mots, comment décririez-vous la conception de l’étude?
Cette étude se distingue des travaux réalisés antérieurement, pour la raison suivante. Nous avons examiné simultanément trois domaines de la vie quotidienne. Il s’agit d’un ensemble de variables, des variables complexes qui restituent la personnalité des gens, font ressortir leur statut démographique, et caractérisent leur comportement social.
Ces trois domaines sont généralement examinés de manière isolée. Nous voulions réunir les éléments et les indicateurs tirés de ces trois domaines dans un test, pour les examiner en concurrence, afin de les comparer directement, et voir lesquels sont les plus significatifs, par rapport aux autres. Nous avons ensuite utilisé ces données pour expliquer la variation structurelle dans ce qu’on appelle le cerveau social.
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Quels résultats avez-vous obtenus?
Nous avons découvert que, pour ces trois domaines, le nombre de personnes vivant dans un même foyer constituait l’un des facteurs majeurs pour expliquer les variations dans la structure du cerveau social.
Au moyen d’une modélisation précise des associations entre cerveau et comportement, nous avons constaté que même des parties du cerveau très proches ont des relations différentes, et parfois même opposées, avec une certaine association cerveau-comportement, en fonction des différentes tranches d’âge dans la cohorte. La classe d’âge s’avère donc un facteur déterminant dans l’ampleur et l’orientation selon lesquelles une certaine partie du cerveau permet de mettre en évidence un indicateur quantitatif du mode de vie, comme le nombre de personnes que compte le ménage.
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Le fonctionnement du cerveau d’une personne de 30 ans diffèrerait alors de celui d’une personne de 60 ans en fonction du nombre de personnes dans le ménage? C’est bien ça?
Oui, tout à fait. On ne peut pas se borner à dire qu’une certaine partie du cerveau est associée à ce marqueur de mode de vie. Il faut contextualiser ce facteur avec l’âge, et potentiellement d’autres aspects de la diversité humaine. Autrement dit, comment les gens diffèrent les uns des autres.
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Quels points importants sont à retenir dans cette étude?
Notre étude apporte des données factuelles démographiques en matière d’interrelations et d’interdépendances entre ces trois domaines et nous devons vraiment les prendre en compte tous les trois pour expliquer la variation dans la structure cérébrale, sa relation à un certain mode de vie.
Tous ces éléments sont fortement interdépendants, et les mesures en imagerie cérébrale nous permettent de les quantifier. Nous pressentions déjà cela auparavant, sans faire appel aux neurosciences. Toutefois, nous disposons maintenant d’ensembles complexes de données démographiques provenant de la biobanque britannique qui portent sur des dizaines de milliers de personnes, et nous pouvons vraiment commencer à modéliser précisément ces domaines pour tirer au clair leurs interdépendances.
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Quelle est l’importance des référentiels de données ouvertes comme l’UK Biobank dans votre travail?
Mon laboratoire montre un intérêt marqué pour l’ensemble de données de cette biobanque, car, en neurosciences, nous travaillons sur les mégadonnées. La montée en puissance de l’UK Biobank a représenté un tournant dans les neurosciences pour de multiples raisons. Entre autres, nous pouvons désormais combiner des sources de connaissances et des angles d’investigation impossibles jusqu’à maintenant. Nous parvenons à effectuer des analyses quantitatives très créatives sur ce qu’on appelle la fusion de données, en associant des variables pour faire des comparaisons novatrices et passionnantes, comme nous l’avons fait au cours de la présente étude.
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Pourquoi est-il important de comprendre les relations entre la personnalité, les données démographiques, le comportement social, et la structure du cerveau?
La caractéristique qui distingue le plus l’être humain est, selon moi, la complexité de son organisation sociale. Rien ne le différencie sans doute davantage des autres espèces que sa capacité et ses modes d’interaction interpersonnelle. Cette capacité, qui a donné naissance au langage à une étape de l’évolution humaine, a fait de lui un être à part. Pour cette même raison, il n’est pas surprenant que certains aspects de cette vie sociale très développée soient liés à d’autres aspects de l’activité humaine, de la prise de décision et de la personnalité.
Il importe donc de savoir comment les choix en matière de mode de vie interagissent avec d’autres domaines, afin de mieux comprendre comment certains aspects de la structure du cerveau influencent ou sont influencés par la nature sociale humaine.
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Comment prévoyez-vous intégrer ces recherches dans vos travaux à l’avenir?
Les hauts et les bas de la stimulation sociale quotidienne affectent non seulement le bien-être psychologique des personnes, mais sont aussi étroitement liés aux principales maladies neurodégénératives qui obèrent les capacités de nos sociétés, en particulier la maladie d’Alzheimer. Cette étude fait partie d’une série recherches menées dans mon laboratoire, en coopération avec des collaborateurs à l’échelon international, pour mesurer l’incidence du mode de vie sur les principales maladies neurodégénératives.