Soyons transparents dans nos recherches!
Martin Vallières, candidat au doctorat, Unité de Physique Médicale, Université Ã山ǿ¼é
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Excusez-le d'avance pour l'amertume ambiante de ce billet. Loin de moi l'idée d'étaler du négativisme sur la toile vis-à -vis la recherche scientifique aussi facilement que l'on étale du beurre de peanut sur nos toasts le matin, mais certaines choses doivent être dites par rapport à la compétitivité et à la course effrénée à la publication scientifique, particulièrement dans le contexte de la recherche médicale. Si cela peut faire réfléchir un petit brin mes fans lisant ce texte, tant mieux!
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ÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌý Jasons politique tout d'abord. Et je ne parlerai pas ici de la fondamentale nécessité des nations de ce monde d'accéder à leur indépendance afin de pouvoir ouvrir leurs horizons et prendre leur place dans ce contexte de mondialisation à saveur néolibérale. Non, je veux m'entretenir à propos de la politicaillerie parfois présente dans nos centres de recherches. Le fait est qu'il peut arriver que des centres de recherche posent des conditions relativement strictes vis-à -vis l'échange de leurs propres données et/ou connaissances au reste de la communauté scientifique afin de protéger la propriété intellectuelle des chercheur-es desdits centres – un objectif qui, à prime abord, peut être louable, entre autre si certaines avancées ont pour but d'être commercialisées. Or, on peut gravement se questionner sur le degré de moralité de la chose lorsque justifications nauséabondes et entourloupettes subtiles sont effectuées par des centres de recherches afin de carrément restreindre le partage des connaissances et ce, dans le but de maximiser les retombées et publications scientifiques de ses propres chercheur-es (le genre de justifications ressemblant à celle du Premier Ministre du Québec lorsqu'il tente de dédramatiser le manque d'éthique de son député de Louis-Hébert en prétextant qu'aucune faute légale n'ait été commise, vous voyez?). Exemple plus ou moins fictifÌý: un chercheur X d'un centre XX publie une étude démontrant l'efficacité d'un algorithme informatique de nature complexe permettant de mieux délimiter le contour des tumeurs lors des traitement de radiothérapie, une avancée qui pourrait potentiellement avoir un impact significatif sur l'efficacité des traitements des patients atteints du cancer. Un chercheur Y d'un centre YY contacte le chercheur X afin d'obtenir plus de détails sur l'algorithme et ainsi pouvoir rapidement le tester sur les données de son propre centre. Le chercheur X répond au chercheur Y que le centre XX ne permet pas le partage des détails de l'algorithme et que le seul moyen de le tester sur les données du centre YY sera deÌý: 1) envoyer les données du centre YY au centre XX; 2) faire tester l'algorithme sur les données du centre YY par le chercheur X; 3) renvoyer lesÌý résultats du chercheur X au chercheur Y; et 4) inclure le chercheur X (et donc l'affiliation XX) comme co-auteur sur toutes les publications subséquentes du chercheur YY utilisant l'algorithme. VerdictÌý: mais quelle désastreuse inefficacité! Peut-être suis-je naïf et que je ne comprends pas encore tout de la vie scientifique à mon jeune âge, mais ce n'est certainement pas ma vision idéale du progrès médical. Non seulementÌý cette formule de «ÌýpartageÌý» minimise les possibilités d'amélioration de l'algorithme par d'autres scientifiques qui doivent reprendre le travail informatique du tout début s’ils désirent eux-mêmes l'utiliser, mais elle freine considérablement les perspectives d'applications cliniques à court et moyen termes! Les grands perdants dans tout ça? Oui, vous l'avez deviné, ce sont bel et bien les patients qui n'ont pas encore pu profiter de cette avancée scientifique. Bref, le constat suivant est inévitableÌý: au nom de la compétitivité et du prestige scientifique, il arrive parfois que nous mettions indirectement en péril la vie des patients que nos recherches ont initialement pour but de sauver. Nous devons en être conscients, dénoncer et combattre ces situations. Nous devons mettre en place des systèmes favorisant encore plus le partage des données et des connaissances en commençant par l'établissement d'une mécanique de subventions gouvernementales encourageant tout autant l'excellence que la transparence et le partage scientifique. C'est urgent, la vie d'êtres humains est en jeu.
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ÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌý Maintenant, qu'en est-il de la responsabilité des chercheur-es vis-à -vis le partage des connaissances? Je dirais que le point de départ du changement de culture à opérer se retrouve entre leurs mains. En effet, la révolution scientifique à envisager ici doit être accomplie du bas vers le haut, tel un mouvement social engendré par les citoyens afin de forcer la main de ses dirigeants. « Wo minute papillon, quel est le problème à la base? », me demanderez-vous. Question légitime, camarades, et je tenterai de brièvement y répondre.Ìý De un, la courseÌý effrénée à la publication scientifique ainsi que la constante pression à produire coûte que coûte des nouveaux résultats afin de rester «ÌýcompétitifÌý»Ìýdans notre domaine de recherche font en sorte que nous retrouvons un immense volume d'articles scientifiques provenant de milliers de types de journaux différents à travers les interwebs. C’est une bonne chose en soi, certes, car cela démontre toute la vigueur scientifique présente depuis toujours sur cette planète. Par contre, cela met aussi en lumière un phénomène bien existant dans notre communauté et que j'aime désigner par «Ìýla recherche incrémentaleÌý». Le fait est que, de nos jours, un grand nombre de publications scientifiques se retrouvent dans des journaux dits à bas facteur d'impact et ne proposent qu'une modeste amélioration par rapport à une recherche précédemment publiée. Une amélioration, soit. Une amélioration suffisante? Parfois non, de mon humble avis, car je considère (bien personnellement) que le domaine de la recherche médicale progresserait beaucoup plus vite si nous présentions moins d’études, mais des études plus complètes, plus robustes et, ayant exploré toutes les avenues envisageables, autant que faire se peut. En fait, j'ai hâte au jour où nous retrouverons le désir à l'exploration scientifique fondamentale et que le goût de bien faire les choses deviendra la priorité absolue de tout chercheur. Bref, pour faire simple, j'ai hâte au jour où le mot « qualité » sera beaucoup plus valorisé que le mot « quantité ». De deux, le climat de vive compétition régnant parfois entre les chercheurs d'un même domaine peut donner lieu à des publications scientifiques qui, selon moi, manquent de transparence. En effet, il m'arrive fréquemment d'avoir la désagréable impression que certains chercheur-es ne disent pas tout dans leurs publications et cachent des détails qui faciliteraient la reproductibilité de leurs expériences par le reste de la communauté scientifique. Et ce, j'imagine, dans le but de conserver le plus longtemps possible une longueur d'avance et un monopole de compétence – condamné à être éphémère, de toute façon – par rapport à une certaine avancée scientifique. Il faut croire que certains chercheur-es oublient vite, un peu comme les Québécois qui réélisent encore et toujours un parti corrompu et qui saccage les acquis sociaux de son peuple (ces mêmes acquis sociaux qui faisaient entre autre en sorte que le Québec se classait encore 1er en 2011 parmi les états développés de l'OCDE par rapport à l'indice du bien-être socioéconomique de Stiglitz; comme quoi le «Ìýplus meilleur pays du mondeÌý» n'est peut-être pas celui que vous pensiez, M. Chrétien). En effet, je pense qu'ils oublient qu’habituellement, le succès académique se bâtit au départ grâce à des collaborations et à des échanges fructueux entre chercheur-es. De mon humble avis, c'est aussi de cette manière qu'il doit continuellement être perpétué. En d'autres termes, j'ai la ferme certitude que la transparence scientifique et le partage complet des connaissances sont les meilleures (et seules) façons de faire réellement progresser la science, particulièrement dans le domaine médical. Publions donc des méthodologies complètes, chers collègues. Partageons nos données, distribuons en ligne nos codes informatiques. Bref, ayons toujours le réflexe d'être le plus transparent possible dans nos recherches. Sacrifions nos intérêts personnels pour le bien-être commun. Non seulement nos pairs nous le rendront, mais c'est aussi seulement de cette façon que nous aurons un réel impact sur la vie des gens.
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ÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌýÌý Pour terminer, sachez que je suis fier d'être un scientifique et que je suis tout autant fier de mes collègues qui travaillent d'arrache-pied à faire avancer la science. Malgré tout ce qui a été dit plus haut, je suis convaincu que la grande majorité des scientifiques ont le cÅ“ur à la bonne place et qu’ils désirent ardemment améliorer notre monde avant d'améliorer leur propre demeure. Cependant, comme dans plusieurs sphères de la vie, il faut continuer de lutter contre une minorité qui va à contresens du gros bon sens et qui, dans le cas présent, nivelle le progrès scientifique vers le bas. En physique médicale, nous travaillons tous à améliorer et à sauver la vie des gens étant atteints du cancer. Faisons-le ensemble, chers collègues, tout le monde en sortira gagnant.
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ÌýFIN *
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N.B. L'auteur de ces lignes n'est pas réellement une personne cynique dans la vraie vie. Croyez-le, il combat même le cynisme ambiant envers nos institutions au jour le jour, sous toutes ses formes. En fait, il croit sincèrement que les messages à portée positive ont beaucoup plus d'impact que les messages à portée négative. Aussi, pardonnez-lui la structure décontenancée de ce texte, le prochain devrait être meilleur et plus facile à lire. Il est vrai que l'auteur de ces lignes a ressenti une certaine amertume en écrivant ce texte, mais l’important est qu’il y ait aussi pris plaisir. Et comme on dit dans la vieÌý: l'important, c'est ça qui compte!