La raison privée du droit constitutionnel
Le Centre Paul-AndrĂ© CrĂ©peau de droit privĂ© et comparĂ© poursuit le cycle 2016-2018 des Ateliers de droit civil, sur le thème « Le public en droit privé », avec une confĂ©rence du professeur Richard Janda (ąó˛ął¦łÜ±ôłŮĂ© de droit de Ă山ǿĽé)
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La constitution est une affaire publique. Par définition et par excellence. On peut même aller jusqu’à affirmer que le public, composé de citoyens, n’existe pas sans le cadre constitutionnel. Le cœur de ce régime public consiste à conférer des pouvoirs à des fonctions du gouvernement et d’identifier des principes pour la sélection des autorités qui occupent ces fonctions. Les pouvoirs ainsi instaurés peuvent être réciproquement restreints selon la protection des droits et libertés des citoyens. L’idée reçue depuis Rawls est que la raison publique soutient un régime constitutionnel bien ordonné puisque c’est à travers elle que les principes constitutionnels peuvent se justifier et éventuellement être acceptés par la diversité des individus auxquels ces principes sont voués à s’appliquer.
Toutefois, Kant, le maitre à penser de Rawls, a reconnu le rôle clef de la raison privée dans la préservation des ordres constitutionnels. Dans son court texte célèbre, « Qu’est-ce que les Lumières? » il distingue entre la raison publique exercée devant un public qui lit, et la raison privé exercée dans un poste civil ou dans l’exercice d’une fonction confiée. Là où l’on obéit à des obligations de la constitution, on exerce, selon Kant, la raison privée.
Le fond obligatoire de la Constitution cède, donc, Ă une raison privĂ©e qui d’une part peut limiter l’étendue de sa prĂ©tendue raison publique. Par exemple, si l’obĂ©issance Ă l’ordre constitutionnel exclut la reconnaissance du rĂ´le des ainĂ©es autochtones dans « le gouvernement », la raison privĂ©e rĂ©ussit Ă primer sur la raison publique et Ă exclure des Ă©lĂ©ments justificatifs possibles. En effet, la Constitution en tant que contrat social exclut du lien contractuel certains peuples et leurs traditions qui, traditionnellement, ne formaient pas « le public ». Le champ des obligations est ainsi rĂ©trĂ©ci.Â
D’autre part, la raison privée peut rendre imputable l’exercice de la raison publique en créant des obligations autour de ses principes et énoncés.  Par exemple, on pourrait se servir des obligations extracontractuelles qui entourent le contrat social constitutionnel pour reconnaitre une responsabilité civile pour la faute étatique qui cause préjudice à la terre par sa négligence dans l’Anthropocène (voir l’affaire Urgenda du tribunal du district de La Haye). Le champ des obligations serait ainsi élargi.
De sorte que le droit constitutionnel s’articule dans une tension entre la raison publique et la raison privée. Cet atelier sera l’occasion d’étudier plus profondément cette tension, afin de concevoir la perturbation qu’engendre la raison privée dans la raison publique et vice versa, et peut-être d’ouvrir la possibilité d’une transformation de la matière.
Les Ateliers de droit civil
En vue de promouvoir la réflexion fondamentale en droit privé, le Centre a instauré la série des Ateliers de droit civil, qui permet de regrouper des juristes québécois et étrangers autour de thèmes de recherche communs. Dédiés à l’étude d’un thème de recherche transversal, les Ateliers de droit civil contribuent ainsi à enrichir et à stimuler la recherche fondamentale en droit privé.
Le cycle 2016-2018 des Ateliers de droit civil, présenté par le Centre Paul-André Crépeau de droit privé et comparé, se déroule sur le thème « Le public en droit privé ».
La série des Ateliers de droit civil compte sur l’appui financier du Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles.
Aucune inscription préalable n’est requise. Chaque atelier est accrédité pour 1,5 heure de formation continue obligatoire auprès du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires du Québec.