Samuel Beckett
(1906-1989)
Dossier
Le roman selon Samuel Beckett
Respirer - L'Ă©criture et le roman selon Samuel Beckett, par Xavier Phaneuf-Jolicoeur |
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« Bon quâà ça », voilĂ la rĂ©ponse laconique de Samuel Beckett (1906-1989) Ă une question qui lui Ă©tait posĂ©e en 1985 par le journal łąŸ±ČúĂ©°ùČčłÙŸ±ŽÇČÔ : « Pourquoi Ă©crivez-vous[1] ? » La boutade ne doit pas surprendre : lâĂ©crivain dâorigine irlandaise, cĂ©lĂšbre pour son thĂ©Ăątre[2], mais aussi pour ses trois romans majeurs, Molloy, Malone meurt (1951) et łąâIČÔČÔŽÇłŸłŸČčČú±ô±đ (1953)[3], rĂ©sistera frĂ©quemment Ă lâidĂ©e dâexpliquer sa dĂ©marche : « Lâerreur, la faiblesse tout au moins, câest peut-ĂȘtre de vouloir savoir de quoi on parle. Ă dĂ©finir la littĂ©rature, Ă sa satisfaction, mĂȘme brĂšve, oĂč est le gain, mĂȘme bref ? De lâarmure que tout ça, pour un combat exĂ©crable.[4] » Il refusera presque toute entrevue[5], rĂ©itĂ©rant son inaptitude Ă parler de son Ćuvre, mĂȘme lorsquâil remporte le Nobel, en 1969 :
La prĂ©sente Ă©tude, que Beckett aurait sans doute considĂ©rĂ©e comme un exemple de « dĂ©mence universitaire[7] », visera Ă cerner sa pensĂ©e diffuse de lâĂ©criture et du roman, Ă partir de ses rares entretiens, de certains de ses hermĂ©tiques textes critiques â qui datent du dĂ©but de sa carriĂšre dâĂ©crivain et quâil juge sĂ©vĂšrement[8] â et, surtout, de son imposante correspondance. Il sâagira dâabord dâĂ©clairer la notion de sĂ©paration qui caractĂ©rise son esthĂ©tique, puis la relation ambiguĂ« quâil Ă©tablit entre fond et forme. Ayant montrĂ© comment Beckett tente de sâavancer vers lâimpuissance, on pourra analyser la maniĂšre dont il conçoit lâexigence propre au roman. Enfin, lâon Ă©voquera, en ouverture, le rapport entre lâĆuvre beckettienne et la dĂ©tresse. Une esthĂ©tique de la sĂ©paration. DĂšs ses premiĂšres tentatives critiques, antĂ©rieures Ă sa sortie du monde universitaire[9], Beckett accorde une place importante Ă la rupture entre soi et ce qui nous entoure. En effet, en 1931, il publie Proust, un court livre sur lâĂ©crivain du mĂȘme nom, Ă©tude qui en dit long, de son propre aveu, sur sa jeune esthĂ©tique[10], puisquâil y voit « at its best a distorted steam-rolled equivalent of some aspect or confusion of aspects of myself[11] ». Dans ce texte, Beckett fait de lâimpossible synchronisme entre sujet et objet â en lâespĂšce entre Marcel et Albertine â une catastrophe centrale Ă lâĆuvre de Proust, y voyant la tragĂ©die-type de la relation humaine vouĂ©e Ă lâĂ©chec[12]. Selon cette lecture, lâĂȘtre humain serait essentiellement seul, isolĂ© â « [w]e cannot know and we cannot be known[13] » â et lâart serait lâ « apotheosis of solitude » oĂč toute communication est impossible « because there are no vehicles of communication[14] ». Câest aussi sur une telle « rupture of the lines of communication » quâinsiste Beckett lorsquâil considĂšre certains poĂštes irlandais de son temps : ces derniers reprĂ©senteraient « the space that intervenes between [them] and the world of objects », comme « no-manâs land », « Hellespont » ou « vacuum[15] ». De cette sĂ©paration, rattachĂ©e Ă lâincommunicabilitĂ©, dĂ©coule dâailleurs un Ă©lĂ©ment central de lâesthĂ©tique beckettienne : la nĂ©cessitĂ© pour lâart de dĂ©signer ce qui nous Ă©loigne du monde, mais aussi â et peut-ĂȘtre surtout â ce qui nous Ă©loigne de nous-mĂȘmes. Les analyses de Beckett, qui en disent souvent davantage sur sa propre vision de lâart que sur celle des artistes quâil Ă©tudie[16], sont particuliĂšrement Ă©clairantes Ă ce sujet lorsquâelles se dĂ©ploient sur la peinture. Par exemple, Beckett Ă©crit, dans une lettre de 1934, que ce quâil admire, chez CĂ©zanne, câest « the sense of his incommensurability not only with life of such a different order as landscape but even with life of his own order, even with the life °ÚâŠ] operative in himself[17] ». De mĂȘme, Beckett dialoguera intensĂ©ment, pendant quelques annĂ©es, avec le spĂ©cialiste dâart Georges Duthuit ; leurs dĂ©bats, contemporains Ă lâĂ©criture des trois romans en français, seront lâoccasion de certaines des formulations les plus consistantes de lâesthĂ©tique beckettienne[18]. LâĂ©crivain y soulignera, par exemple, dans la peinture de Bram van Velde â dont il se sent trĂšs proche, puisquâil dit avoir « besoin dâune main dans la [s]ienne dans [s]on tort[19] » â que ce dernier aurait « sais[i] que la rupture avec le dehors entraĂźne la rupture avec le dedans[20] ». Dans les Three Dialogues (1949) â que Beckett dira regretter en 1965[21] â, une version retravaillĂ©e et publiĂ©e de certains Ă©changes avec Duthuit[22], lâĂ©crivain Ă©nonce les consĂ©quences de cette impossibilitĂ© dâĂ©tablir le moindre rapport, quâil place au cĆur de lâexistence humaine :
Il faut, pour rendre les nuances de la pensĂ©e esthĂ©tique de Beckett â et son humour â, souligner que ce dernier sent tout Ă fait la dĂ©mesure qui se rattache Ă une telle exigence[24]. Dans les Dialogues, par exemple, il se tourne frĂ©quemment en ridicule, orchestrant si bien lâĂ©change que le « Duthuit » fictif en vient Ă lui rĂ©pondre que ses propos ne sont quâ « a violently extreme and personal point of view », complĂštement inutile Ă leur dĂ©bat, ce qui laisse Beckett coi[25]. La question nâen est pas moins sĂ©rieuse, pour lâĂ©crivain, et il ne cessera, au fil des lettres qui inspireront et continueront les Three Dialogues, de tenter de formuler son idĂ©al esthĂ©tique :
Ailleurs, il avancera plutĂŽt que « la seule rĂ©ponse possible » est de considĂ©rer la peinture de van Velde comme « inexpressive » ; il y aurait une « lĂąchetĂ© » Ă affirmer « quâelle exprime lâimpossibilitĂ© de rien exprimer », parce que ce serait le « ramener tambour battant au bercail[27]. » Lucide, lâĂ©crivain paraĂźt conscient de la tension inhĂ©rente Ă son esthĂ©tique, concĂ©dant que son point de vue le place dans une « situation littĂ©ralement impossible », celle de lâ « absolu[28] ». En outre, câest probablement cette sĂ©paration intrinsĂšque Ă lâĂȘtre humain â par rapport au monde, au savoir, Ă lui-mĂȘme â qui mĂšne Beckett Ă privilĂ©gier un art qui serait interrogatif avant tout â « art [that] raises questions that it does not attempt to answer[29]. » Dans un texte de 1938, assez reprĂ©sentatif malgrĂ© son emphase, il Ă©crit que lâartiste serait celui qui voit et fait voir « la monotone centralitĂ© de ce [que] chacun veut, pense, fait et souffre, de ce quâun chacun est », celui qui se consacre Ă cette vision « alors quâil nây [voit] goutte, mais avant [dâavoir] acceptĂ© de nây voir goutte[30] ». La mise Ă distance des autres et de soi pourrait dâailleurs conduire Ă la dĂ©couverte, par un artiste, de sa propre voie ; appelĂ© Ă conseiller un Ă©crivain plus jeune que lui, Beckett lui recommandera simplement : « Ă©loignez-vous et de mon travail et de vous-mĂȘme[31] ». Le fond et lâinforme. Quoique la sĂ©paration soit au cĆur de lâesthĂ©tique de Beckett, il se refuse Ă Ă©carter, lorsquâil est question dâĂ©criture littĂ©raire, la forme et le sens. Dans un article sur ce qui allait devenir Finnegans Wake, le jeune Beckett insiste dâailleurs sur le trait suivant, qui le frappe chez Joyce :
Il rĂ©itĂšre, beaucoup plus tard, lâimportance de cet Ă©troit rapport qui unit Ă ses yeux forme et contenu, rĂ©pondant aux commentaires de Barbara Bray sur Comment câest (1961), oĂč elle voit de la poĂ©sie « pure if not simple » : « You have "understood" the book as no one so far. °ÚâŠ] What you say of its being not about something, but something, is exactly what I wrote of Finnegans[33] ». Beckett sâappuie sur cette insĂ©parabilitĂ© de la forme et du contenu, importante Ă sa conception de lâĂ©criture, pour distinguer son Ćuvre de celle de Kafka, auquel on le compare souvent. En 1954, il Ă©crit : « Je me rappelle avoir Ă©tĂ© gĂȘnĂ© par le cĂŽtĂ© imperturbable de sa dĂ©marche. Je me mĂ©fie des dĂ©sastres qui se laissent dĂ©poser comme un bilan[34]. » Quelques annĂ©es plus tard : « What struck me as strange in Kafka was that the form is not shaken by the experience it conveys[35]. » Beckett considĂšre que, chez Kafka, « form is classic, it goes on like a steamroller â almost serene », câest-Ă -dire que « the consternation is in the form », tandis que dans sa propre Ă©criture « there is consternation behind the form, not in the form[36] ». Cette idĂ©e, a priori un peu obscure, lâĂ©crivain lâĂ©claire vaguement lorsquâil affirme, en entretien, que lâart ne peut faire autrement, Ă lâĂ©poque qui est la sienne, que de faire place Ă un certain dĂ©sordre â « the mess » â qui constitue « the very opposite of form » et qui est « destructive of the very thing that art holds itself to be[37] ». La position de Beckett quant Ă lâinteraction entre ce dĂ©sordre et la forme est complexe, voire contradictoire, et tient Ă un Ă©quilibre prĂ©caire en vertu duquel lâartiste devrait, dâune part, Ă©viter de gĂ©nĂ©rer un total dĂ©sordre dĂ©pourvu de forme et, de lâautre, se garder dâimposer un ordre formel au dĂ©sordre :
Dans une entrevue donnĂ©e prĂšs du moment oĂč il reçoit le Nobel, Beckett brouille davantage les cartes, laissant entrevoir la difficultĂ© du travail qui serait celui de lâĂ©crivain. Beckett affirme sâĂȘtre libĂ©rĂ©, comme le compositeur Schönberg ou le peintre Kandinsky, de « certain formal concepts », se tournant comme ces deux artistes vers une sorte dâabstraction, mais Ă©vitant, contrairement Ă eux, de lui trouver « yet another formal context[39] ». Il faut au passage prĂ©ciser que lâabstraction dont il est ici question nâest pas intellectuelle ; câest celle de la sĂ©paration Ă©voquĂ©e plus haut, Ă laquelle renvoie par exemple Beckett pour dĂ©crire un dĂ©cor rĂȘvĂ© pour sa piĂšce En attendant Godot : « sordidement abstrait comme la nature lâest[40] ». Quant Ă la difficultĂ© de la tĂąche de lâĂ©crivain telle que la conçoit Beckett, on en prend la mesure lorsquâil dĂ©clare :
Le caractĂšre insaisissable du rapport entre fond et forme dĂ©coulerait de ce labeur impossible de lâĂ©crivain qui ne peut rien affirmer ou infirmer ; devant lâimpasse, câest « [p]aradoxalement » Ă travers « la forme que l'artiste peut trouver une sorte d'issue » : « En donnant forme Ă lâinforme. Ce n'est peut-ĂȘtre qu'Ă ce niveau qu'il y aurait une affirmation sous-jacente[42]. » Mal sâarmer pour faire fausse route. Dans une lettre de 1954, aprĂšs avoir quelque peu minimisĂ© lâinfluence exercĂ©e sur son Ćuvre par des auteurs lâayant prĂ©cĂ©dĂ©, Beckett se dĂ©crit comme un « piĂštre lecteur, incurablement distrait, Ă lâaffĂ»t dâun ailleurs[43] ». Il avance du mĂȘme souffle que les lectures qui lâont « le plus marquĂ© » sont celles qui lâont le mieux renvoyĂ© « Ă cet ailleurs[44] ». Quoi quâil en dise, un simple regard sur sa correspondance et ses Ă©crits critiques suffit Ă rĂ©vĂ©ler la richesse de sa culture littĂ©raire et lâimportance de son rapport Ă la tradition[45]. Et le prĂ©dĂ©cesseur auquel Beckett a le plus Ă©tĂ© comparĂ© â celui dont il a, par consĂ©quent, le plus Ă©tĂ© appelĂ© Ă se distinguer â est James Joyce, quâil a connu lors de son passage Ă lâĂcole normale Ă Paris, de 1928 Ă 1930[46]. La maniĂšre dont Beckett dĂ©crit la relation entre leurs dĂ©marches est pertinente pour comprendre son Ă©criture, dâabord parce quâelle est indicative des rapports gĂ©nĂ©raux quâil entretient avec la tradition littĂ©raire, mais aussi parce quâelle lui sert Ă articuler lâesthĂ©tique qui lui est propre. DâentrĂ©e de jeu, il est difficile de minimiser lâinfluence que Joyce exerce sur le jeune Beckett. Ce dernier rĂ©vĂšle quâil cherche Ă se dĂ©barrasser de cet ascendant dont il a bien conscience â « I vow I will get over J.J. ere I die. Yessir[47]. » â, notamment lorsquâil constate, au sujet dâun texte narratif qui sera transformĂ© et intĂ©grĂ© Ă son premier roman (Dream of Fair to Middling Women, publiĂ© seulement en 1992, soit aprĂšs sa mort) : « it stinks of Joyce in spite of most earnest endeavours to endow it with my own odours[48]. » Ainsi, bien que Beckett ait parfois niĂ© avoir Ă©tĂ© influencĂ© par Joyce â autrement que par son intĂ©gritĂ© artistique, quâil admire et dont il se revendique frĂ©quemment[49] â il concĂšde, en 1989, la possibilitĂ© dâune influence « ab contrario[50] ». Joyce peut sous cet angle ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une sorte de repoussoir pour Beckett, par exemple lorsquâil affirme avoir « senti de bonne heure que la chose qui [l±Őâappelait et les moyens dont [il] pouvai[t] disposer Ă©taient pratiquement Ă lâopposĂ© de [l]a chose [de Joyce] et de ses moyens Ă lui[51] ». Dans un entretien de 1956, il explique la spĂ©cificitĂ© de sa propre Ă©criture Ă partir de la dĂ©marche de son imposant prĂ©dĂ©cesseur :
Il ne sâagit bien sĂ»r pas uniquement, pour Beckett, de sâopposer Ă Joyce ; son Ă©criture rĂ©pond Ă une constatation liĂ©e Ă sa propre rĂ©alitĂ© : « anyone nowadays who pays the slightest attention to his own experience finds it the experience of a non-knower, a non-can-er[53] ». La place de cette impuissance et de cette inconnaissance dans sa dĂ©marche, Beckett lâillustre souvent, de façon presque mĂ©canique, en sâappuyant des locutions quâil nâexplique jamais de façon trĂšs dĂ©taillĂ©e â lâune due Ă DĂ©mocrite, lâautre au philosophe du 17e siĂšcle Arnold Geulincx. Des commentaires elliptiques sur son Ćuvre, quâil consent Ă formuler en 1967, en tĂ©moignent :
LâĂ©crivain se plaĂźt dâailleurs Ă situer trĂšs prĂ©cisĂ©ment dans sa vie le constat, la prise de conscience saisissante â malgrĂ© ses racines antĂ©rieures â, qui le mĂšnera Ă accorder un tel rĂŽle Ă la nĂ©gativitĂ© dans son Ă©criture. Beckett raconte en effet quâil aurait connu une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation dans la chambre de sa mĂšre, quâil visitait peu aprĂšs la guerre ; ce serait ce moment charniĂšre qui lui aurait permis dâenfin apercevoir le chemin quâil aurait Ă suivre comme Ă©crivain, alors quâil allait entamer la rĂ©daction de Molloy et des deux romans suivants[55]. Beckett le confirme Ă James Knowlson : il aurait vĂ©cu, Ă lâinstar de lâun de ses personnages, Krapp, une sorte dâillumination inversĂ©e â « the dark I have always struggled to keep under is in reality my most [precious ally[56]] ». Cette prise de conscience du rĂŽle que pourrait jouer la noirceur, lâinsuffisance, dans son Ćuvre â peut-ĂȘtre une voie vers cet ailleurs quâil cherchait comme lecteur â nâest dâautre part pas Ă©trangĂšre Ă son passage au français aprĂšs 1945. En effet, lorsquâon lâinterroge sur sa transition linguistique, Beckett prĂ©cise, dans une lettre plutĂŽt tĂ©lĂ©graphique de 1982 :
Ainsi, il semble que, pour parvenir au dĂ©pouillement â mais aussi pour Ă©tablir une distance fĂ©conde entre son Ă©criture et lui â Beckett ait cherchĂ© des façons de satisfaire un dĂ©sir aporĂ©tique : son « besoin dâĂȘtre mal armĂ©[58] », selon une expression de 1954. Avant dâaborder la conscience gĂ©nĂ©rique de Beckett, il paraĂźt utile de souligner quâil est loin de considĂ©rer le dĂ©nuement comme la seule voie artistique possible. AprĂšs avoir mentionnĂ© quâil avait « jusquâen 1946 » tentĂ© de « savoir, afin dâĂȘtre en mesure de pouvoir », sâapercevant quâil « faisai[t] fausse route », Beckett concĂšde quâil nây a peut-ĂȘtre au final « que des fausses routes » et que le lâĂ©crivain doit « pourtant trouver la mauvaise route qui [lui] convient[59]. » Non seulement Beckett est-il ouvert Ă la possibilitĂ© que sa dĂ©marche soit erronĂ©e, mais il admet mĂȘme que « quelque part, [le dĂ©sir de totalitĂ© et celui de pauvretĂ©] doivent se rejoindre », ce qui le relie Ă des prĂ©dĂ©cesseurs dont il a longtemps cherchĂ© Ă se distinguer, notamment Joyce et Proust[60]. Ainsi, mĂȘme lorsquâil explique, dans une lettre de 1937 Ă©crite en allemand, combien lâ « apotheosis of the word » de Joyce a peu Ă voir avec sa propre pratique, il ne peut sâempĂȘcher de prĂ©ciser : « [u]nless perhaps Ascension to Heaven and Descent to Hell are somehow one and the same » ; « How beautiful it would be to be able to believe that that indeed was the case[61]. » Lâexigence du roman. Beckett ne semble pas avoir dĂ©fini explicitement le genre romanesque, ce qui ne signifie pas quâil nâait pas exprimĂ©, Ă plusieurs reprises dans son discours sur son Ćuvre, lâimportance des distinctions gĂ©nĂ©riques. Il les utilise lui-mĂȘme â dont celle de roman â pour dĂ©crire ses Ćuvres, notamment dans sa correspondance[62], et il insiste souvent sur la nĂ©cessitĂ© de sĂ©parer les textes selon leurs spĂ©cificitĂ©s. Cette position est Ă©vidente lorsquâil sâoppose, dans une lettre de 1957, Ă lâadaptation pour le cinĂ©ma dâun texte composĂ© pour le thĂ©Ăątre : « If we canât keep our genres more or less distinct, or extricate them from the confusion that has them where they are, we might as well go home and lie down[63]. » Beckett considĂšre en outre que sa production romanesque possĂšde un caractĂšre propre â probablement parce que forme et sens sây allient â qui la distinguerait de lâaffirmation directe dâidĂ©es ou de concepts : « Si le sujet de mes romans pouvait sâexprimer en termes philosophiques, je nâaurais pas eu de raison de les Ă©crire[64]. » Autre particularitĂ© : contrairement Ă la nouvelle, le roman permet, grĂące Ă son ampleur, que certaines prĂ©cisions « be dealt with later », « there being leisure in the novel, and in the short story not[65] ». Mais la spĂ©cificitĂ© de lâĂ©criture romanesque, aux yeux de Beckett, apparaĂźt le plus clairement lorsque celle-ci est mise en rapport avec la production dramatique. Dâabord, selon lui, il faut Ă©viter de confondre les textes oĂč les mots priment avec ceux qui sont faits pour ĂȘtre jouĂ©s. En effet, Beckett Ă©crivait en 1937 : « the poetical play can never come off as play, nor when played as poetry either, because the words obscure the action and are obscured by it[66] ». Câest dâailleurs peut-ĂȘtre parce quâil accorde plus dâimportance Ă lâaction quâaux mots que le thĂ©Ăątre peut servir dâĂ©chappatoire : « I turned to writing plays [in 1947] to relieve myself of the awful depression the prose led me into[67] » ; « [I] began to write Godot [in 1948] as a relaxation, to get away from the awful prose I was writing at the time[68] ». En outre, le « soulagement » du thĂ©Ăątre est tel quâil peut empiĂ©ter sur le vĂ©ritable projet dâĂ©criture, ce que sentira Beckett, en 1969, alors quâil dĂ©clarera vouloir se « tenir loin du thĂ©Ăątre » et de la mise en scĂšne pour arriver à « travailler[69] ». La comparaison avec le thĂ©Ăątre permet de comprendre que le caractĂšre insoutenable du roman, ce qui le rend si exigeant pour lâĂ©crivain, paraĂźt Ă©trangement dĂ©couler, chez Beckett, de son absence dâexigences â its « wildness and rulelessness[70] » â, du peu de rĂšgles qui lâencadrent. Ce constat sâimpose lorsque Beckett indique quâil « nâenvisageai[t] pas une carriĂšre de dramaturge », mais quâil est arrivĂ© au thĂ©Ăątre parce que « le travail du romancier est dur », celui-ci « sâavan[çant] dans le noir[71] ». Il ajoute, sans Ă©quivoque :
Par contraste, le roman semble parfois conçu comme une forme redoutablement libre, ce qui a bien sĂ»r ses avantages pour le crĂ©ateur : « Quand j'ai Ă©crit la premiĂšre phrase de Molloy, je ne savais pas oĂč j'allais. Et quand j'ai achevĂ© la premiĂšre partie, j'ignorais comment j'allais continuer. Tout est venu comme ça. Sans rature. Je n'avais rien prĂ©parĂ©. Rien Ă©laborĂ©[73]. » LâĂ©criture romanesque lui vient si naturellement, durant sa prolifique pĂ©riode dâaprĂšs-guerre, quâil admet avoir Ă©tĂ© en mesure de rĂ©diger la derniĂšre page de łąâIČÔČÔŽÇłŸłŸČčČú±ô±đ alors quâil nâen Ă©tait encore quâĂ la trentiĂšme, puisque lâissue du livre « fai[sait] [dĂ©jĂ ] si peu de doute, quels que soient les tortillements [qui lâen sĂ©paraient], °ÚâŠ] dont [il] nâa[vait] quâune idĂ©e des plus vagues[74] ». Aux yeux de Beckett, il semble toutefois que la libertĂ© du roman, sa fĂ©conditĂ©, aille de pair avec ses Ă©cueils, ce que lâon entrevoit lorsque Beckett confie avoir Ă©crit Molloy, Malone meurt et łąâIČÔČÔŽÇłŸłŸČčČú±ô±đ « avec Ă©lan, dans une sorte dâenthousiasme », mais « trĂšs difficilement[75] ». Câest que, paradoxalement, la libertĂ© presque totale du roman conduit, chez Beckett, Ă lâimpasse. Il Ă©crit, en 1954 : « I think my writing days are over. łąâIČÔČÔŽÇłŸłŸČčČú±ô±đ finished me or expressed my finishedness[76] ». De mĂȘme, en 1961, il affirme que « pendant longtemps » aprĂšs la rĂ©daction des trois romans, il nâa « plus vu du tout ce [quâil] pourrai[t] dire », se sentant « enfermĂ© dans un cercle » quâil essayait de briser[77]. Le remĂšde et le mal semblent presque se confondre lorsque Beckett explique, dans un entretien de 1968, que la seule issue, la seule possibilitĂ© crĂ©atrice consiste Ă pousser plus loin lâexigence mĂȘme qui lâavait menĂ© Ă lâincapacitĂ© dâĂ©crire :
Le paradoxe de lâĂ©criture romanesque â tirant sa fĂ©conditĂ© de sa stĂ©rilitĂ©, brisant le silence et y retournant â est manifeste lorsque Beckett dĂ©clare, traversant lâun de ses nombreux moments de doute quant Ă son Ă©criture, en 1957, quâil doit : « either get back to nothing again and the bottom of all the hills again like before Molloy or else call it a day[79] ». En 1960, il note, limpide :
Le sensible et la dĂ©tresse. On commence Ă saisir que, chez Beckett, la « rĂ©vĂ©lation » de la voie qui lui est propre, aprĂšs la guerre, a peu Ă voir avec une exploration formelle ou un exercice cĂ©rĂ©bral. LâĂ©crivain prĂ©cise au contraire lâaspect dâabord intuitif de la dĂ©couverte faite dans la chambre de sa mĂšre : « Jusque-lĂ , j'avais cru que je pouvais faire confiance Ă la connaissance. Que je devais m'Ă©quiper sur le plan intellectuel. Ce jour-lĂ , tout s'est effondrĂ©[81]. » Il explique, de mĂȘme, Ă un journaliste : « Je ne suis pas un intellectuel. Je ne suis que sensibilitĂ©. Jâai conçu [Molloy] et la suite le jour oĂč jâai pris conscience de ma bĂȘtise. Alors je me suis mis Ă Ă©crire les choses que je sens[82]. » La boucle est soudain bouclĂ©e â et lâon peut enfin imaginer les raisons qui conduiraient un artiste Ă accepter de se livrer Ă lâirrĂ©alisable labeur que Beckett lui confie. Câest peut-ĂȘtre ce que ce dernier tente dâexpliquer Ă Georges Duthuit, en 1949, alors quâil se dĂ©bat face Ă la peinture de van Velde : « Si tu me demandes pourquoi la toile ne reste pas blanche, je peux seulement invoquer cet inintelligible besoin, Ă tout jamais hors de cause, dây foutre de la couleur, fĂ»t-ce en y vomissant son ĂȘtre[83]. » Et lâurgence â inintelligible soit, mais sensible â ramĂšne Beckett Ă lâinsoluble problĂšme de la forme : « Dans ce sacrĂ© monde, tout nous invite Ă lâindignation⊠Mais au niveau du travail⊠Que pourrait-on dire ?... Rien nâest dicible[84]. » Il remarque Ă ce propos : « We cannot listen to a conversation for five minutes without being acutely aware of the confusion. It is all around us and our only chance now is to let it in. The only chance of renovation is to open our eyes and see the mess. It is not a mess you can make sense of[85]. » Ouvrant lâĆil et lâoreille, rĂ©alisant que « quand on s'Ă©coute, ce n'est pas de la littĂ©rature qu'on entend[86] », Beckett relie de prĂšs sa dĂ©marche Ă une conscience de la dĂ©tresse qui lâentoure :
Ce Beckett, dont un reflet inattendu nous apparaĂźt, est loin de se complaire dans les jeux formels, la nĂ©gativitĂ© vide ; sâil sâest toujours refusĂ© Ă expliquer son Ćuvre, Ă la thĂ©oriser, câest sans doute parce quâĂ ses yeux on Ă©crit pour une raison trĂšs simple : « pour pouvoir respirer[88] ». Bibliographie : Textes critiques Ă©crits par Beckett :
Entretiens et discussions avec Beckett :
Correspondance :
Autres sources :
Les romans de Beckett :
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[1] S. Beckett, « Lettre Ă Mathieu Lindon, 24 fĂ©vrier 1985 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 652. [2] Notamment grĂące Ă la piĂšce En attendant Godot : voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 349-355 ; voir aussi G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. xxvii. [3] Voir la chronologie de lâĆuvre romanesque de Beckett Ă la fin du prĂ©sent texte. [4] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 11 aoĂ»t 1948 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 96. [5] Voir, par exemple, S. Beckett, « Lettre Ă JĂ©rĂŽme Lindon, 8 janvier 1953 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 347 : « Ă toute demande dâinterview, dâoĂč quâelle vienne, vous pouvez toujours et plus que jamais rĂ©pondre non ». [6] J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [7] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 32. [8] Voir S. Beckett, « Lettre Ă Lawrence Harvey, 28 octobre 1963 », « Lettre Ă Martin Esslin, 9 novembre 1965 » et « Lettre Ă John Calder, 23 novembre 1965 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 577 et 678. [9] Qui nâallait tarder (voir S. Beckett, « Lettre Ă Thomas McGreevy, 11 mars 1931 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 72). [10] Plus tard, Beckett dira de ce texte : « [Proust] is a very youthful work, but perhaps not entirely beside the point. Its premises are less feeble than its conclusions. » (« Lettre Ă Barney Rosset, 25 juin 1953 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 385.) [11] S. Beckett, « Lettre Ă Thomas McGreevy, 11 mars 1931 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 72. [12] S. Beckett, Proust (1931), Samuel Beckett. The Grove Centenary Edition, vol. 4, p. 515. [13] Ibid., p. 540. [14] Ibid., p. 539 [15] S. Beckett, « Recent Irish Poetry » (1934), Disjecta, p. 70. [16] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 181, 248 et 324. [17] S. Beckett, « Lettre Ă Thomas McGreevy, [16 septembre 1934] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 227. [18] G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. xxvii-xxviii. [19] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137 ; Beckett admet, dans une lettre Ă Bram van Velde, que leurs positions ne sont pas identiques, puisque que le peintre « rĂ©sist[e] en artiste, Ă tout ce qui [lâ] empĂȘche dâĆuvrer », tandis que lâĂ©crivain « cherche le moyen de capituler sans [s]e taire â tout Ă fait. » (S. Beckett, « Lettre Ă Bram van Velde, 14 janvier 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 113) [20] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137. [21] S. Beckett, « Lettre Ă Martin Esslin, 9 novembre 1965 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 678 : « Rightly or wrongly I regret the Duthuit Dialogues and prefer not to have them broadcast. » [22] C. J. Ackerley et S. E. Gontarski, The Grove Companion to Samuel Beckett, p. 577. [23] S. Beckett, « Three Dialogues » (1949), Disjecta, p. 139. [24] Beckett Ă©crit, par exemple : « Il ne faut pas trop prendre au sĂ©rieux mes idĂ©es fixes, visions fixes et balbutiements dâaffolĂ© » (S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 2 mars 1954, The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 472.) [25] S. Beckett, « Three Dialogues » (1949), Disjecta, p. 139. [26] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 136-137. [27] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, mardi [? 28 juin 1949] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 168. [28] Ibid. [29] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 219-220. [30] S. Beckett, « Les deux besoins » (1938), Disjecta, p. 55 ; dans un autre texte prĂ©coce, oĂč Beckett parodie un exercice universitaire en Ă©tudiant lâĆuvre dâun artiste de son invention â Jean du Chas, dont il partagerait la date de naissance â, Beckett qualifie son art de « parfaitement intelligible et parfaitement inexplicable » (« Le concentrisme » (1930), Disjecta, p. 43). [31] S. Beckett, « Lettre Ă Charles Juliet, 1er juin 1969 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 161-162. [32] S. Beckett, « Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce » (1929), Disjecta, p. 27 ; Beckett relĂšve aussi ce trait dans Proust (1931), p. 551. [33] S. Beckett, « Lettre Ă Barbara Bray, 17 fĂ©vrier 1961 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 397-398. [34] S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 462. [35] Câest ce que Beckett aurait Ă©crit Ă Ruby Cohn le 17 janvier 1962 (G. Craig, M. D. Fehsenfeld, D. Gunn et L. M. Overbeck (dir.), The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, note 1, p. 590). [36] I. Shenker, « Moody Man of Letters » (1956), p. 148. [37] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 219. [38] Ibid. [39] J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [40] S. Beckett, « Lettre Ă George Duthuit, mercredi [3 janvier 1951] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 216. [41] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (11 novembre 1977), p. 68. [42] Ibid., p. 35-36. [43] S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 462. [44] Ibid. [45] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 70, 107, 114, 122, 157, 161, 204-206, 217 et 269 ; voir gĂ©nĂ©ralement S. Beckett, « Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce » (1929) et Proust (1931). [46] Voir J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 96, 104-112, 120 et 156 ; J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210. [47] S. Beckett, « Lettre Ă Samuel Putnam, 28 juin 1932, The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 108. [48] S. Beckett, « Lettre Ă Charles Prentice, 15 aoĂ»t 1931, The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 81-82. [49] Voir, par exemple, J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210 ; S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461 ; J. Knowlson et E. Knowlson (dir.), Beckett Remembering: Remembering Beckett, p. 47-49. [50] J. Knowlson et E. Knowlson (dir.), Beckett Remembering: Remembering Beckett, p. 47-49. [51] S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461. [52] I. Shenker, « Moody Man of Letters » (1956), p. 148. [53] Ibid., p. 148-149. [54] S. Beckett, « Lettre Ă Sig[h]le Kennedy, 14 juin 1967 », Disjecta, p. 113 ; voir aussi J. Gruen, « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett Talks about Beckett », p. 210 ; S. B. « Lettre Ă Georges Duthuit, samedi [le ou aprĂšs le 30 avril, avant le 26 mai 1949], The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 148 ; S. Beckett, « Lettre Ă Thomas McGreevy, 16 janvier [1936] », The Letters of Samuel Beckett, vol. 1, p. 299. [55] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 318-320, 686 (note 55) ; voir aussi Paul Lawley, « "The Rapture of Vertigo". Beckett's Turning-Point », p. 28-29. [56] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 318-319 ; il sâagit de la piĂšce Krappâs Last Tape et la prĂ©cision entre crochets provient de Beckett lui-mĂȘme, plus prĂ©cisĂ©ment dâune note de 1987 Ă James Knowlson. [57] S. Beckett, « Lettre Ă Carlton Lake, 3 octobre 1982 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 592-593. [58] S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461-462. [59] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (14 novembre 1975), p. 53. [60] Ibid., p. 55. [61] S. Beckett, « Lettre Ă Axel Kaun, 9 juillet 1937 », Disjecta, p. 172. [62] Voir, par exemple, S. Beckett, « Lettre Ă Hans Naumann, 17 fĂ©vrier 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 461 ; S. Beckett, « Lettre Ă Kay Boyle, 28 mai 1957 » et « Lettre Ă François Beloux, 24 septembre 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 48-49 et 65. [63] S. Beckett, « Lettre Ă Barney Rosset, 27 aoĂ»t 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 64. [64] G. dâAubarĂšde, « En attendant⊠Beckett » (1961), p. 7. [65] S. Beckett, « Lettre Ă Kay Boyle, 28 mai 1957 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 48-49. [66] J. Knowlson, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, p. 230. [67] D. Bair, A Biography : Samuel Beckett, p. 361 (Bair cite un Ă©change de 1972 entre Beckett et lui). [68] Ibid., p. 381 [69] S. Beckett, « Lettre Ă JĂ©rĂŽme Lindon, 20 novembre 1969 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 4, p. 196. [70] D. Bair, A Biography : Samuel Beckett, p. 381 [71] P.-L. Mignon, « Le thĂ©Ăątre de A jusqu'a Z : Samuel Beckett », p. 8. [72] Ibid. [73] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 19. [74] S. Beckett, « Lettre Ă Georges Duthuit, 1er juin 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 160. [75] G. dâAubarĂšde, « En attendant⊠Beckett » (1961), p. 7. [76] S. Beckett, « Lettre Ă Barney Rosset, 21 aoĂ»t 1954 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. p. 497. [77] G. dâAubarĂšde, « En attendant⊠Beckett » (1961), p. 7. [78] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 20-21 [79] S. Beckett, « Lettre Ă Barbara Bray, 29 novembre 1958 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 183-184. [80] S. Beckett, « Lettre Ă Matti Megged, 21 novembre 1960 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 3, p. 376-377. [81] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 39. [82] G. dâAubarĂšde, « En attendant⊠Beckett » (1961), p. 7. [83] S. Beckett, « Lettre Ă George Duthuit, 9 mars 1949 », The Letters of Samuel Beckett, vol. 2, p. 137. [84] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (11 novembre 1977), p 67. [85] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 218-219. [86] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (24 octobre 1968), p. 12. [87] T. F. Driver, « Beckett by the Madeleine » (1961), p. 221. [88] C. Juliet, Rencontres avec Samuel Beckett (29 octobre 1973), p. 43. |
Bibliographie
Ouvrages cités |
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Citations
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Proust (1930) : |
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âI turned to writing plays to relieve myself of the awful depression the prose led me into,â Beckett commented in 1972. âLife at that time [note : ce chapitre porte sur les annĂ©es 1946-1948] was too demanding, too terrible, and I thought theater would be a diversion .â (p. 361) |
COHN, Ruby (Ă©d.).ÌęDisjecta. Miscellaneous Writings and a Dramatic Fragment by Samuel Beckett, New York, Grove Press Inc., 1984, 178 p. |
Dante . . . Bruno . Vico . . Joyce (1929) : On turning to theÌęWork in ProgressÌęwe find that the mirror is not so convex. Here is direct expression â pages and pages of it. And if you don't understand it, Ladies and Gentlemen, it is because you are too decadent to receive it. You are not satisfied unless form is so strictly divorced from content that you can comprehend the one almost without bothering to read the other. The rapid skimming and absorption of the scant cream of sense is made possible by what I may call a continuous process of copious intellectual salivation. The form that is an arbitrary and independent phenomenon can fulfil no higher function than that of stimulus for a tertiary or quartary conditioned reflex of dribbling comprehension. °ÚâŠ] (p. 26) Les deux besoins (1938) : Il n'y a sans doute que l'artiste qui puisse finir par voir (et, si l'on veut, par faire voir aux quelques-uns pour qui il existe) la monotone centralitĂ© de ce qu'un chacun veut, pense, fait et souffre, de ce qu'un chacun est. N'ayant cessĂ© de s'y consacrer, mĂȘme alors qu'il n'y voyait goutte, mais avant qu'il n'eĂ»t acceptĂ© de n'y voir goutte, il peut Ă la rigueur finir par s'en apercevoir. °ÚâŠ] (p. 55) Humanistic Quietism (1934) : All poetry, as discriminated from the various paradigms of prosody, is prayer. °ÚâŠ] (p. 68) Recent Irish Poetry (1934) : I propose, as rough principle of individuation in this essay, the degree in which the younger Irish poets evince awareness of the new thing that has happened, or the old thing that has happened again, namely the breakdown of the object, whether current, historical, mythical or spook. The thermolaters â and they pullulate in Ireland â °ÚâŠ], would no doubt like this amended to breakdown of the subject. It comes to the same thing â rupture of the lines of communication. Intercessions by Denis Devlin (1938) : [Poetry's] own terms, that is terms of need, not of opinion, still less of faction; opinion being a response to and at least (at best) for a time an escape from need, from one kind of need, and art, in this case these poems, no more (!) than the approximately adequate and absolutely non-final formulation of another kind. Art has always been this â pure interrogation, rhetorical question less the rhetoric â whatever else it may be obliged by the âsocial reality' to appear, but never more freely so than now, when social reality (pace ex-comrade Radek) has severed the connexion. (p. 91) La peinture des van Velde ou Le monde et le pantalon (1945-1946) : Ici [chez G. van Velde] tout bouge, nage, fuit, revient, se dĂ©fait, se refait. Tout cesse, sans cesse. On dirait l'insurrection des molĂ©cules, l'intĂ©rieur d'une pierre un milliĂšme de seconde avant qu'elle ne se dĂ©sagrĂšge.Ìę Peintres de l'empĂȘchement (1948) : L'un dira : Je ne peux voir l'objet, pour le reprĂ©senter, parce qu'il est ce qu'il est. L'autre : Je ne peux voir l'objet, pour le reprĂ©senter, parce que je suis ce que je suis. Three Dialogues (1949) : I. Tal Coat °ÚâŠ] II. Masson °ÚâŠ] III. Bram van Velde °ÚâŠ] |
RAIG, George, Martha Dow FEHSENFELD, Dan GUNN et Lois More OVERBECK (Ă©d.).ÌęThe Letters of Samuel Beckett, Cambridge, Cambridge University Press, 2009-2016, 4 t. |
VOLUME 1 : 1929-1940. Lettre du 8 septembre 1934, Thomas McGreevy (p. 222-223). [...] CĂ©zanne seems to have been the first to see landscape & state it as material of a strictly peculiar order, incommensurable with all human expressions whatsoever. Atomistic landscape with no velleities of vitalism, landscape with personality Ă la rigueur, but personality in its own terms, not in Pelman's, landscapability.ÌęRuysdael's [forÌęRuisdael's] Entrance to the Forest â there is no entrance anymore nor any commerce with the forest, its dimensions are its secret and it has no communications to make. °ÚâŠ] Lettre du [16 septembre 1934],ÌęThomas McGreevy (p. 227). I do not see any possibility of relationship, friendly or unfriendly, with the unintelligible, and what I feel in CĂ©zanne is precisely the absence of a rapport that was all right for Rosa or Ruysdael for whom the animising mode was valid, but would have been false for him, because he had the sense of his incommensurability not only with life of such a different order as landscape but even with life of his own order, even with the life â °ÚâŠ] â operative in himself. °ÚâŠ] Lettre du 7 juillet 1936, Thomas McGreevy (p. 350). The point you raise is one that I have given a good deal of thought to. Very early on, when the mortuary and Round Pond scenes were in my mind as the necessary end, I saw the difficulty and danger of so much following Murphy's own "end". There seemed 2 ways out. One was to let the death have its head in a frank climax and the rest be definitely epilogue (by some such means as you suggest. It thought for example of putting the game of chess there in a section by itself.) And the other, which I chose and tried to act on, was to keep the death subdued and go on as coolly and finish as briefly as possible. I chose this because it seemed to me to consist better with the treatment of Murphy throughout, with the mixture of compassion, patience, mockery and âtat twam asiâ that I seemed to have directed on him throughout, with the sympathy going so far and no further (then losing patience) as in the short statement of his mind's fantasy of itself. There seemed to me always the risk of taking him too seriously and separating him too sharply from the others. As it is I do not think the mistake (Aliosha mistake) has been altogether avoided.Ìę°ÚâŠ] Lettre du 13 novembre 1936, George Reavey (p. 380-381). °ÚâŠ] Do they [the Houghton Mifflin editors] not understand that if the book [Murphy] is slightly obscure, it is so because it is a compression, and that to compress it further can only result in making it more obscure? The wild & unreal dialogues cannot, it seems to be [forÌęme], be removed without darkening & dulling the whole thing. They are the comic expression of what elsewhere is expressed in elegy, namely if you like the hermetism of the spirit. °ÚâŠ] There is no time and space in such a book forÌęmereÌęrelief. The relief has also to do work and reinforce that from which it relieves. And of course the narrative is hard to follow, & of course deliberately so. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 9 juillet 1937, Axel Kaun (p. 518-520). [Note : traduction anglaise d'une lettre Ă©crite en allemand.] ÌęVOLUME 2 : 1941-1956. Lettre du 25 septembre 1946, Simone de Beauvoir (p. 40-41). Je regrette le malentendu qui vous met dans l'obligation d'arrĂȘter ma nouvelle Ă mi-chemin. Lettre du 11 aoĂ»t 1948, Georges Duthuit (p. 96). °ÚâŠ] L'erreur, la faiblesse tout au moins, c'est peut-ĂȘtre de vouloir savoir de quoi on parle. Ă dĂ©finir la littĂ©rature, Ă sa satisfaction, mĂȘme brĂšve, oĂč est le gain, mĂȘme bref ? De l'armure que tout ça, pour un combat exĂ©crable. °ÚâŠ] Il faut crier, murmurer, exulter, insensĂ©ment, en attendant de trouver le langage calme sans doute du non sans plus, ou avec si peu en plus. Il faut, non, il n'y [a] que ça apparemment pour certains d'entre nous, que ce petit bruit de ha[l]lali insensĂ©, et puis peut-ĂȘtre le dĂ©barras d'au moins une bonne partie de ce que nous avons cru avoir de meilleur, ou de plus rĂ©el, au prix de quels efforts, et peut-ĂȘtre l'immense simplicitĂ© d'une partie au moins du peu redoutĂ© que nous sommes et avons. Mais je commence Ă Ă©crire. Minuit vient de sonner. [...] Lettre du 14 janvier 1949, Bram van Velde (p. 113). J'ai beaucoup pensĂ© Ă votre travail ces derniers jours et compris l'inutilitĂ© de tout ce que je vous ai dit. Vous rĂ©sistez en artiste, Ă tout ce qui vous empĂȘche d'oeuvrer, fĂ»t-ce l'Ă©vidence mĂȘme. C'est admirable. Moi, je cherche le moyen de capituler sans me taire â tout Ă fait. Mais quand je vais chez vous regarder ce que vous avez fait, il ne devrait pas ĂȘtre question de moi. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 2 mars 1949, Georges Duthuit (p. 126-129). Bram et moi, nous sommes loin l'un de l'autre, si je nous ai bien devinĂ©s, quoique rĂ©unis Ă un moment, [c'est-Ă -dire] Ă tout moment, dans un mĂȘme coincement, car il y en a qui ne lĂąchent pas. °ÚâŠ] J'ai cru Ă un moment donnĂ© qu'il finirait par y renoncer, par peindre le coincement, ne serait-ce que par Ă©puisement. °ÚâŠ] Mais je commence Ă croire depuis quelque temps qu'il est trop tard et que ce sera jusqu'Ă la fin ces formidables tentatives de rĂ©tablissement vers une cime furieusement rĂȘvĂ©e, et qu'Ă vrai dire il porte dans ses bras, et que ce sera chez lui jusqu'Ă la fin la seule beautĂ© de l'effort et de l'Ă©chec, au lieu de celle, tellement calme et mĂȘme gaie, dont j'ai la prĂ©tention de me laisser hanter. N'empĂȘche que pour moi ça reste une peinture sans prĂ©cĂ©dent et oĂč je trouve mon compte comme dans nulle autre, Ă cause justement de cette fidĂ©litĂ© Ă l'oubliette et de ce refus d'une libertĂ© Ă surveiller. De cette nĂ©cessitĂ© de gĂ©nie oĂč il se trouve de reconnaĂźtre Ă son trou, tout en s'obstinant Ă vouloir s'y arracher, la libertĂ©, les hauteurs, la lumiĂšres et les seuls dieux qui le regardent et qu'il n'y a d'Ă©vasion que partielle et vers une mutilation. Et cependant le tableau c'est la trappe qui s'ouvre. Tou[t] ça est littĂ©raire, simpliste, mais Ă chacun son poumon. °ÚâŠ] Quelles affreuses noces depuis toujours que celles de l'artiste se frottant, de plus en plus cĂąlin comme tu le dis, contre ses meubles, dans la terreur d'en ĂȘtre dĂ©laissĂ©. Ă quoi on nous oppose, comme la seule alternative, les pures manstuprations de l'art orphique et abstrait. Et si l'on ne bandait tout simplement plus ? Comme dans la vie. Assez de sperme rĂ©pandu.Ìę Lettre du 9 mars 1949, Georges Duthuit (p. 136-137). Pour moi, la peinture de Bram ne doit rien Ă ces piĂštres consolations [note : celles de la peinture non-figurative oĂč l'artiste continue Ă ĂȘtre dĂ©fini comme celui qui ne cesse d'ĂȘtreÌędevant]. Elle est nouvelle parce que la premiĂšre Ă rĂ©pudier le rapport sous toutes ces formes. Ce n'est pas le rapport avec tel ou tel ordre de vis-Ă -vis qu'il refuse, mais l'Ă©tat d'ĂȘtre en rapport tout court et sans plus, l'Ă©tat d'ĂȘtre devant. Il y a longtemps qu'on attend l'artiste assez courageux, assez Ă son aise dans les grandes tornades de l'intuition, pour saisir que la rupture avec le dehors entraĂźne la rupture avec le dedans, qu'aux rapports naĂŻfs il n'existe pas de rapports de remplacement, que ce qu'on appelle le dehors et le dedans ne font qu'un. Je ne dis pas qu'il ne cherche pas Ă renouer. Ce qui importe c'est qu'il n'y arrive pas. Sa peinture est, si tu veux, l'impossibilitĂ© de renouer. Il y a, si tu veux, refus et refus d'accepter son refus. C'est peut-ĂȘtre ce qui rend cette peinture possible. °ÚâŠ] Ce qui m'intĂ©resse c'est l'au-delĂ du dehors dedans oĂč il fait son effort, non pas la portĂ©e de l'effort mĂȘme. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 26 mai [1949], Georges Duthuit (p. 153). °ÚâŠ] Pour moi, la question devient intĂ©ressante vraiment seulement Ă partir du moment oĂč l'on s'occupe de ce qui est derriĂšre les 2 attitudes, Ă savoir d'une part la passion du faisable, oĂč les plus nobles recherches sont viciĂ©es par le besoin d'en faire reculer les limites, et d'autre part, peut-ĂȘtre, enfin, bientĂŽt, le respect de l'impossible que nous sommes, impossibles vivants, impossiblement vivant, dont ni le temps du corps, ni l'investissement par l'espace, ne sont pas davantage Ă retenir que l'ombre le soir ou le visage aimĂ©, et peignant tout simplement un sort, qui est de peindre, lĂ oĂč il n'y a rien Ă peindre, rien avec quoi peindre, et sans savoir peindre, et sans vouloir peindre, et cela de maniĂšre Ă ce qu'il en transpire quelque chose, tant qu'Ă faire. VoilĂ , je vais trop loin, j'irai toujours trop loin, et jamais assez loin. °ÚâŠ] Lettre du 1er juin 1949, Georges Duthuit (p. 161). °ÚâŠ] J'ai travaillĂ© un peu. Chaque fois que je m'y mets, ça vient assez facilement, mais je rĂ©pugne Ă m'y mettre, plus que jamais. J'ai fait une chose qu'il ne m'Ă©tait jamais arrivĂ© de faire, j'ai Ă©crit la derniĂšre page du livre en cours [note :ÌęL'Innommable], alors que je n'en suis encore qu'Ă la 30me. Je n'en suis pas fier. Mais l'issue dĂ©jĂ fait si peu de doute, quels que soient les tortillements, ce dont je n'ai qu'une idĂ©e des plus vagues, qui m'en sĂ©parent. Lettre du 9 juin [1949], Georges Duthuit (p. 164-165). Je profite d'un instant (passager) de luciditĂ© pour te dire que je crois voir ce qui nous sĂ©pare, ce sur quoi nous finissons toujours par buter, aprĂšs bien des locutions inutiles. C'est l'opposition possible-impossible, richesse-pauvretĂ©, possession-privation, etc. etc. Ă ce point de vue les Italiens, Matisse, Tal Coat et tutti quanti sont dans le mĂȘme sac, en chanvre supĂ©rieur, du cĂŽtĂ© de ceux qui, ayant, veulent encore, et, pouvant, davantage. °ÚâŠ] Pour moi ils [note : les Italiens] ont seulement eu le tort de croire bien faire, peu importe par quels moyens. Tu opposes un temps quotidien, utilitaire, Ă un temps vital, de tripes, d'effort privilĂ©giĂ©, le vrai. Tout ça revient Ă vouloir sauver une forme d'expression qui n'est pas viable. Vouloir qu'elle le soit, travailler pour qu'elle le soit, lui en donner l'air, c'est donner dans la mĂȘme plĂ©thore que depuis toujours, dans la mĂȘme comĂ©die. °ÚâŠ] Existe-t-il, peut-il exister, ou non, une peinture pauvre, inutile sans camouflage, incapable de l'image quelle qu'elle soit, dont l'obligation ne cherche pas Ă se justifier ? Que je l'aie vue lĂ oĂč il n'y aurait qu'un renouvellement sans prĂ©cĂ©dent du rapport, du banquet, ça n'a pas d'importance. Je ne pourrai jamais plus admettre que l'acte sans espoir, calme de sa damnation.Ìę Lettre du mardi [? 28 juin 1949], Georges Duthuit (p. 168). PourÌęmoi, [le fait de suggĂ©rer que la peinture de Bram van Velde est inexpressive est] la seule rĂ©ponse possible. RĂ©pondre comme j'ai dĂ©jĂ eu la lĂąchetĂ© de le faire, qu'elle exprime l'impossibilitĂ© de rien exprimer, c'est le ramener tambour battant au bercail. Lettre du jeudi [? 30 mars ou 6 avril 1950], Georges Duthuit (p. 193). °ÚâŠ] Qu'il y ait des esprits supĂ©rieurs (sans ironie) qui savent et qui peuvent, je veux bien le croire. Mais lorsqu'on n'est pas douĂ©, vraiment trĂšs bĂȘte et maladroit, que faut-il faire ? Le malin ? De l'art ? Se taire ? Le silence viendra assez tĂŽt, non pas par orgueil, mais de langue lasse. Lettre du mercredi [3 janvier 1951], Georges Duthuit (p. 216-217). Franchement je suis tout Ă fait contre les idĂ©es de Stael sur le dĂ©cor, peut-ĂȘtre Ă tort. Il voit ça en peintre. Pour moi c'est de l'esthĂ©tisme. °ÚâŠ] Moi je ne crois pas Ă la collaboration des arts, je veux un thĂ©Ăątre rĂ©duit Ă ses propres moyens, parole et jeu, sans peinture et sans musique, sans agrĂ©ments. °ÚâŠ] Il faut que le dĂ©cor sorte du texte, sans y ajouter. Quant Ă la commoditĂ© visuelle des spectateurs, je la mets lĂ oĂč tu devines. Crois-tu vraiment qu'on puisse Ă©couter devant un dĂ©cor de Bram, ou voir autre chose que lui ? DansÌęGodotÌęc'est un ciel qui n'a de ciel que le nom, un arbre dont ils se demandent si c'en est un, petit et rabougri. J'aimerais voir ça foutu n'importe comment sordidement abstrait comme la nature l'est °ÚâŠ]. Rien du tout, ça n'exprime rien, c'est de l'opaque qu'on n'interroge mĂȘme plus. Tout spĂ©cifisme formel devient impossible. °ÚâŠ] Indigence, nous ne la dirons jamais assez, et dĂ©cidĂ©ment la peinture en est incapable. °ÚâŠ] Lettre du lundi [16 avril 1951], Mania PĂ©ron (p. 240-241). Tout Ă fait d'accord avec votre judicieuse critique des critiques. Il fallait vraiment faire inattention pour confondre la victime de Moran avec le pĂšre Molloy. Mais ce n'est pas nĂ©cessairement Moran lui-mĂȘme non plus. Que voulez-vous, je ne sais pas tout. Pour moi c'est simplement l'Ă©tranger indiquĂ©, j'ai horreur des symboles. °ÚâŠ] Lettre du mardi [18 septembre 1951], Mania PĂ©ron (p. 297). Mes petits textes sont en panne. Le dernier, je n'ai pas le courage de le relire. DĂ©cidĂ©ment je suis dĂ©goĂ»tĂ© d'Ă©crire, comme moi j'Ă©cris. °ÚâŠ] Lettre du 3 dĂ©cembre 1951, Bram van Velde et Marthe Arnaud-Kuntz (p. 304). Que Bram surtout ne s'imagine pas que je m'Ă©loigne de lui, c'est tout le contraire. Plus je m'enfonce et plus je me sens Ă ses cĂŽtĂ©s et combien, malgrĂ© les diffĂ©rences, nos aventures se rejoignent, dans l'impensĂ© et le navrant. Et s'il devait y avoir pour moi une Ăąme soeur, je me flatte que ce serait bien la sienne et nulle autre, qu'on se voie ou qu'on ne se voie pas, ça ne change rien Ă l'affaire. Et que je ne puisse plus, autant qu'autrefois, l'encourager, n'est que l'effet d'une faiblesse et d'une fatigue qui me le rendent encore plus cher, si cela est possible. Bram est mon grand familier. Dans le travail et dans l'impossibilitĂ© de travailler, et ce sera toujours ainsi. Lettre [ultĂ©rieure au 23 janvier 1952], Michel Polac (p. 314). Je n'ai pas d'idĂ©es sur le thĂ©Ăątre. Je n'y connais rien. Je n'y vais pas. C'est admissible. Lettre du 8 fĂ©vrier 1952, Aidan Higgins (p. 319). °ÚâŠ] I used to think all [t]his work was an effort, necessarily feeble, to express the nothing. It seems rather to have been a journey, irreversible, in gathering thinglessness, towards it. Or also. Or ergo. And the problem remains entire or at last arising ends. °ÚâŠ] Lettre du 9 janvier 1953, Roger Blin (p. 350). °ÚâŠ] L'esprit de la piĂšce, dans la mesure oĂč elle en a, c'est que rien n'est plus grotesque que le tragique, et il faut l'exprimer jusqu'Ă la fin, et surtout Ă la fin. J'ai un tas d'autres raisons pour vouloir que ce jeu de scĂšne ne soit pas escamotĂ©, mais je vous en fais grĂące. Soyez seulement assez gentil de le rĂ©tablir comme c'est indiquĂ© dans le texte, et comme nous l'avions toujours prĂ©vu au cours des rĂ©pĂ©titions, et que le pantalon tombe complĂštement, autour des chevilles. [Ă]a doit vous sembler stupide, mais pour moi c'est capital. °ÚâŠ] Lettre du 25 juillet 1953, Carlheinz Caspari (p. 389). Il m'est trĂšs difficile de m'expliquer sur mon travail [note : il est question d'En attendant Godot]. °ÚâŠ] Lettre du 2 dĂ©cembre 1953, Niall Mongomery (p. 427). The heart of the matter [note : il est question de l'oeuvre de Beckett], if it has one, is perhaps rather in theÌęNaught more real than nothingÌęand theÌęubi nihil vales, already inÌęMurphyÌęâ I imagine so. Lettre du 17 fĂ©vrier 1954, Hans Naumann (p. 461-462). Je ne demande qu'Ă vous aider, quoiqu'il me soit trĂšs difficile, pour ne pas dire impossible, de parler de moi et de mon travail.Ìę Lettre du 2 mars 1954, Georges Duthuit (p. 472). °ÚâŠ] Il ne faut pas trop prendre au sĂ©rieux mes idĂ©es fixes, visions fixes et balbutiements d'affolĂ©. °ÚâŠ] Ayant cru discerner chez Yeats la seule valeur qui me demeure encore un peu rĂ©elle, valeur que je ne veux plus essayer de cerner et dont les si respectables considĂ©rations de pays et de facture ne peuvent rendre compte, je deviens littĂ©ralement aveugle pour tout le reste. C'Ă©tait dĂ©jĂ la mĂȘme chose quand il s'agissait de Bram. Ce n'est donc pas avec moi qu'on puisse parler d'art et ce n'est pas lĂ -dessus que je risque d'exprimer autre chose que mes propres hantises. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 11 mars 1954, Edouard Coester (p. 475). °ÚâŠ] Pour ĂȘtre tout Ă [fait] franc, je ne crois pas que le texte deÌęGodotÌępuisse supporter les prolongements que lui confĂ©rerait forcĂ©ment une mise en musique. La piĂšce comme tout dramatique, si, mais pas le dĂ©tail verbal. Car il s'agit d'une parole dont la fonction n'est pas tant d'avoir un sens que de lutter, mal j'espĂšre, contre le silence, et d'y renvoyer. Je la vois donc difficilement partie intĂ©grante d'un monde sonore.Ìę Lettre du 21 aoĂ»t 1954, Barney Rosset (p. 497). °ÚâŠ] You know Barney, I think my writing days are over.ÌęL'InnommableÌęfinished me or expressed my finishedness.Ìę Lettre du 17 janvier 1956, Alec Reid (p. 596). °ÚâŠ] The trouble about my little world is that there is no outside to it. Aesthetically the adventure is that of the failed form (no achieved statement of the inability to be). °ÚâŠ]Ìę Lettre du 8 mars 1956, Robert Pinget (p. 604). °ÚâŠ] Ne vous dĂ©sespĂ©rez pas, branchez-vous bien sur le dĂ©sespoir et chantez-nous ça. Lettre du 1er avril 1956, Desmond Smith (p. 610). I am afraid I am quite incapable of sitting down and writing out an "explanation" of the play. °ÚâŠ] It is not in any sense a symbolic work. The point about Pozzo, for example, is not who he is, or what he is, or what he represents, but the fact that all this is not known, so that for a moment he can eve[n] ben confused with Godot. °ÚâŠ] Confusion of mind and of identity is an indispensable element of the play and the effort to clear up the ensuing obscurities, which seems to have exercized most critics to the point of blinding them to the central simplicity, strikes me as quite nugatory.Ìę VOLUME 3 : 1957-1965. Lettre du 28 mai 1957, Kay Boyle (p. 49). °ÚâŠ] I do not agree that the first five paragraphs [of Joyce'sÌęThe Boarding House] are relevant only in terms of an allegorical context. I know nothing about short story or any other aesthetics. But it seems normal to me, in exordium to the relation proper, to situate those who it concerns and establish their climate. And I feel the butchery and cleavery have no other purpose than this, and that it is achieved. "It was a bright morning etc" strikes me as more a novel opening than a short story one, there being leisure in the novel, and in the short story not, for the where and for whom to be dealt with later. °ÚâŠ] It might also be enquired if these are short stories at all. They are chunks of Dublin, its air and light and scene and voices, and for me the only way to read them is right down in their immediacy. °ÚâŠ] The last words of my regrettable novelÌęWattÌęare "no symbols where none intended". °ÚâŠ] Lettre du 27 aoĂ»t 1957, Barney Rosset (p. 64). Now for my sins I have to go on and say that I can't agree with the idea ofÌęAct Without WordsÌęas a film. It is not a film, not conceived in terms of cinema. If we can't keep our genres more or less distinct, or extricate them from the confusion that has them where they are, we might as well go home and lie down.ÌęAct Without WordsÌęis primitive theatre, or meant to be, and moreover, in some obscure way, a codicil toÌęEnd-Game, and as such requires that this last extremity of human meat â or bones â be there, thinking and stumbling and sweating, under our noses, like Clov about Hamm, but gone from refuge. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 24 septembre 1957, François Beloux (p. 65). Ă mon grand regret, et malgrĂ© la valeur de votre travail [d'adaptation cinĂ©matographique de la moitiĂ© du romanÌęMolloy], je ne peux pas vous donner l'autorisation que vous me demandez. Je ne dĂ©sire pas que l'on tire des films de mes Ă©crits et je m'y opposerai toujours.Ìę Lettre du 29 dĂ©cembre 1957, Alan Schneider (p. 82). °ÚâŠ] But when it comes to these bastards of journalists I feel the only line is to refuse to be involved in exegesis of any kind. That's for those bastards of critics. And to insist on the extreme simplicity of dramatic situation and issue. °ÚâŠ] My work is a matter of fundamental sounds (no joke intended), made as fully as possible, and I accept responsibility for nothing else. If people want to have headaches among the overtones, let them. °ÚâŠ] Hamm as stated, and Clov as stated, together as stated, nec tecum nec sine te [note : neither with you can I live nor without you], in such a place, and in such a world, that's all I can manage, more than I could.Ìę Lettre du 23 septembre 1958, Christian Ludvigsen (p. 169). I agree more or less with what Nadeau says [aboutÌęEndgame]. The clue to the whole thing is perhaps in Nell's speech: "Rien n'est plus drĂŽle que le malheur⊠Nous la trouvons toujours bonne, mais nous ne rions plus." Endgame is not Godot, and any clowning or playing for a laugh would I think be quite wrong. It doesn't matter whether the audience laughs or not.Ìę Lettre du 29 novembre 1958, Barbara Bray (p. 183-184). I am very touched by what you say of [The Unnamable]. I wish I could think it is as important as you say, but of course I can't. I am in acute crisis about my work (on the lines familiar to you by now) and have decided that I not merely can't but won't go on as I have been going more or less ever since the Textes pour Rien and must either get back to nothing again and the bottom of all the hills again like before Molloy or else call it a day. °ÚâŠ] Lettre du 12 mars 1959, Avigdor Arikha (p. 213). °ÚâŠ] CĂŽtĂ© travail je fais ce que je peux, ce n'est pas brillant. Le rythme et la syntaxe de la faiblesse et de la pĂ©nurie, pas commode Ă attraper. J'y arrive quand mĂȘme peut-ĂȘtre un peu â 6me version du dĂ©but. Je vous montrerai ça Ă votre retour, Ă moins que je ne me torche avec d'ici lĂ . °ÚâŠ] Lettre du 7 aoĂ»t 1959, Barbara Bray (p. 237). °ÚâŠ] About halfway through the second part [ofÌęComment c'est] anyway, Pim hasn't much to say in the end. Can't talk about it. °ÚâŠ] When I'm in Paris I'll send you Blanchot'sÌęLe Livre Ă Venir, I think he's on to something very important which he probably over-systematizes. I won't read it now, it would only get in my way. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 30 novembre 1959, Robert Pinget (p. 257). Je travaille avec beaucoup de mal â de plus en plus. J'ai vu tout d'un coup la "chose" [note :ÌęComment c'est] trĂšs clairement pour la premiĂšre fois, c'est plutĂŽt gĂȘnant qu'autre chose, et ça fout en l'air une grande partie de ce que j'avais dĂ©jĂ fait. Il faudrait pouvoir se dire, ça ne presse pas, j'en ai jusqu'Ă ce que je crĂšve, et ne donner le bon Ă tirer qu'avec le dernier soupir.Ìę Lettre du 8 dĂ©cembre 1959, Barbara Bray (p. 262). Quite lost inÌęPimÌę[note :ÌęComment c'est]. Shall either Lettre du 26 fĂ©vrier 1960, Patrick Magee (p. 306). °ÚâŠ] What will meet your disgusted eye is a series of short paragraphs (average of 4 or 5 lines)Ìęseparated by pauses during which panting cordially invited and without as much punctuation as a comma to break the monotony or promote the understanding [le dĂ©but deÌęComment c'estÌętraduit]. The uttered voice, fragments of an inner voice ill heard, is that of a man (?) lying on his face in the mud in the dark. I have made the writing as clear as such dreadful circumstances permit °ÚâŠ] » Lettre du 2 avril 1960, Robert Pinget (p. 324). Mon travail est au point mort. Je n'y crois plus et ça ne m'intĂ©resse plus. Vouloir trop Ă©treindre ! ou trop peu. Lettre du 21 novembre 1960, Matti Megged (p. 376-377). The second [suggestion] is more difficult to formulate and has to do with the view you seem to hold of the relationship between living and writing. °ÚâŠ] Your view seems to be that what you can't live you should at least be able to state â and then you complain that your statement has devitalized its object. But the material of experience is not the material of expression and I think the distress you feel, as a writer, comes from a tendency on your part to assimilate the two. The issue is roug[h]ly that raised by Proust in his campaign against naturalism and the distinction he makes between the "real" of the human predicament and the artist's "ideal real" remains certainly valid for me and indeed badly in need of revival. I understand â I think no one better â the flight from experience to expression and I understand the necessary of both. But it is the flight from one order or disorder to an order or disorder of a different nature and the two failures are essentially dissimilar in kind. Thus life in failure can hardly be anything but dismal at the best, whereas there is nothing more exciting for the writer, or richer in unexploited expressive possibilities than the failure to express. It was some realization of all this and what it involves that enabled me to go on (about 15 years ago) in a situation probably very different from yours, but certainly no less critical. °ÚâŠ] Lettre du 3 fĂ©vrier 1961, Barbara Bray (p. 397). °ÚâŠ] You have "understood" the book as no one so far. You of course greatly overrate it and me, but we won't go into that again. What you say of its being not about something, but something, is exactly what I wrote ofÌęFinnegansÌęin theÌęExagmination. °ÚâŠ] Lettre du 6 novembre 1962, Arland Ussher (p. 511). °ÚâŠ] [M]y unique relation [with my work] â and it a tenuous one â is the making relation. I am with it a little in the dark and fumbling of making, as long as that lasts, then no more. I have no light to throw on it myself and it seems a stranger in the light that others throw.Ìę Lettre du 3 dĂ©cembre 1962, Matti Megged (p. 518-519). °ÚâŠ] Writing I suppose for some of us â though most certainly not for all â is only possible in the last ditch and in complete dĂ©sespoir de cause and at a depth where one's "living" not only is gone, but never was. Either it comes to that or it doesn't â and one couldn't wish it for anyone.Ìę Lettre du 24 mai 1963, Gottfried BĂŒttner (p. 544). Je suis flattĂ© et touchĂ© par ce que vous dites de mon travail. Moi je suis tout Ă fait incapable d'en parler. Je ne le vois et ne le vis que du dedans. LĂ il fait toujours sombre et il n'y est jamais question ni de diagnostic, ni de pro[n]ostic, ni de traitement.Ìę VOLUME 4 : 1966-1989. Lettre du 24 mai 1966, Robert Pinget (p. 29). °ÚâŠ] Tu as tort de dĂ©biner ton travail. On n'est pas des gendelettres. Si on se donne tout ce mal fou ce n'est pas pour le rĂ©sultat mais parce que c'est le seul moyen de tenir le coup sur cette foutue planĂšte. Avec ce besoin-lĂ beaucoup de misĂšre mais pas de problĂšme. °ÚâŠ] Je crois que ces histoires de prix et autres Ă -cĂŽtĂ©s ne t'ont rien valu et qu'elles peuvent trĂšs bien ĂȘtre pour quelque chose dans l'Ă©tat oĂč tu te sens. Laisse tomber tout ça, cesse de te relire et remets-toi au travail. Nous ne saurons jamais ce que nous valons ni les uns ni les autres et c'est la derniĂšre question Ă se poser. °ÚâŠ] Lettre du 8 dĂ©cembre 1966, Christian Ludvigsen (p. 54-55). GodotÌęin my opinion is insufficiently "visualized" during writing. The other plays I saw more clearly, as the stage-directions show.Ìę Lettre du 28 mars 1968, Stephen Block (p. 120). I find it impossible to write or speak about my work.Ìę Lettre du 1er juin 1969, Pamela Mitchell (p. 163). Find writing infernally difficult now and suspect there's not much more of it in me. Haven't managed more than a few pages in the last two years, I mean saved more than that from the wrecks.Ìę Lettre du 8 novembre 1969, Barbara Bray (p. 192). Wrote first sentence this morningÌędĂ©sespoir de causeÌęagain of God know what and who cares. Feels like beginningÌęMolloyÌęonly 1/4 century worse. Lettre du 21 dĂ©cembre 1969, Henri et Josette Hayden (p. 213). °ÚâŠ] J'avais essayĂ© de reprendre le travail Ă Nabeul, sans succĂšs. Mais il fallait m'acharner. J'ai encore laissĂ© tomber. Comment dire noir, silence et vide ? IntĂ©ressant problĂšme technique. °ÚâŠ]Ìę Lettre du 11 avril 1972, James Knowlson (p. 291). I simply know next to nothing about my work in this way, as little as a plumber of the history of hydraulics. There is nothing/nobody with me when I'm writing, only the hellish job in hand. The "eye of the mind" in [Happy Days] does not refer to Yeats any more [than] the "revelsâŠ" inÌęEndgameÌętoÌęThe Tempest, they are just bits of pipe I happen to have with me. I suppose all is reminiscence from womb to tomb, all I can say is I have scant information regarding mine â alas.Ìę Lettre du 3 dĂ©cembre 1972, Rubin Rabinovitz (p. 316). °ÚâŠ] I harboured no such deep thoughts [note : qui relieraient son oeuvre Ă celle de Descartes ou de Schopenhauer] when writing the work [note :ÌęWatt] which was no more than a turning to words, during the occupation, after my days in the fields, with a view to not losing my reason.Ìę Lettre du 15 mai 1977, Sighle Kennedy (p. 460). All I can say to help you perhaps is that [Watt] was an escape operation from the horrors of that hateful time. If they crept in it was in spite of me.Ìę Lettre du 24 fĂ©vrier 1980, Herbert Myron (p. 523). °ÚâŠ] Off now on a new fumble in French this time [note :ÌęMal vu mal dit]. With growing distaste. Much the same confusion of "reality" â the counterpoison.Ìę Lettre du 5 juillet 1980, Christopher Logue (p. 530). If I had any conversation, anything worth saying to say about anything, including myself & my work, it wd. gladly be with you. But I have none, nothing. Never had much. Now none at all, nothing at all. Forgive.Ìę Lettre du 3 octobre 1982, Carlton Lake (p. 592-593). Definite switch [to French] on return to Dublin summer 1945 whenÌęMolloyÌębegun. Already in French poems &Ìęnouvelles.Ìę Lettre du 28 aoĂ»t 1984, Kay Boyle (p. 643). I grow dumber and dumber.Ìę Lettre du 16 dĂ©cembre 1984, Mary Manning Howe Adams (p. 646). Forgive my long silence. From pen to paper is a far cry for me nowadays.Ìę Lettre du 24 fĂ©vrier 1985, Mathieu Lindon (p. 652). Bon qu'à ça. [Note : Beckett rĂ©pond ainsi Ă une question posĂ©e pour un numĂ©ro hors-sĂ©rie deÌęłąŸ±ČúĂ©°ùČčłÙŸ±ŽÇČÔÌę:ÌęPourquoi Ă©crivez-vous ?] |
D'AUBARĂDE, Gabriel. « En attendant⊠Beckett »,ÌęLes Nouvelles littĂ©raires, 16 fĂ©vrier 1961, p. 1 et 7. |
[G. d'AubarĂšde : Vos romans sont d'une lecture plutĂŽt difficile. Mais vous, les avez-vous Ă©crits difficilement ?] |
GRAVER, Lawrence et Raymond FEDERMAN (Ă©d.),ÌęSamuel Beckett: The Critical Heritage, Boston, Routledge & Kegan Paul, 1979, 372 p. |
SHENKER, Israel. « Moody Man of Letters »,ÌęNew York Times, 6 mai 1956, section II, p. x, 1 et 3. |
GRUEN, John. « Nobel Prize Winner, 1969. Samuel Beckett talks about Beckett »,ÌęVogue, vol. 154, no 10 (1er dĂ©cembre 1969), p. 210-211. |
âIt is impossible for me to talk about my writing,â °ÚâŠ]. âIt is impossible because I am constantly working in the dark. It would be like an insect leaving his cocoon. I can only estimate my work from within. If my work has any meaning at all, it is due more to ignorance, inability, and an intuitive despair than to any individual strength. I think that I have perhaps freed myself from certain formal concepts. Perhaps, like the composer Schönberg or the painter Kandinsky, I have turned toward an abstract language. Unlike them, however, I have tried not to concretize the abstraction â not to give it yet another formal context.â (p. 210) |
JULIET, Charles.ÌęRencontres avec Samuel Beckett, Paris, P.O.L., 1999, 71 p. |
24 octobre 1968. - [...] [Q]uand on s'Ă©coute, ce n'est pas de la littĂ©rature qu'on entend. (p. 12)- Il fallait rejeter tous les poisons... [C. Juliet avance que Beckett entend sans doute par ces mots la dĂ©cence intellectuelle, le savoir, les certitudes qu'on se donne, le besoin de dominer la vie] trouver le langage qui convenait... Quand j'ai Ă©crit la premiĂšre phrase deÌęMolloy, je ne savais pas oĂč j'allais. Et quand j'ai achevĂ© la premiĂšre partie, j'ignorais comment j'allais continuer. Tout est venu comme ça. Sans rature. Je n'avais rien prĂ©parĂ©. Rien Ă©laborĂ©. [Beckett montre le manuscrit dĂ©pourvu de retouches d'En attendant GodotÌęĂ C. Juliet] - Ăa s'organisait entre la main et la page. (19-20) - Le travail [d'Ă©criture] antĂ©rieur interdit toute poursuite de ce travail. Bien sĂ»r, je pourrais Ă©crire des textes comme ceux de [°ŐĂȘłÙ±đČő-łŸŽÇ°ùłÙ±đČő]. Mais je ne veux pas. Je viens de mettre au panier une petite piĂšce de thĂ©Ăątre. Chaque fois, il faut qu'il y ait un pas en avant.Ìę °ÚâŠ] - L'Ă©criture m'a conduit au silence.Ìę °ÚâŠ]Ìę - Cependant, je dois continuer... Je suis face Ă une falaise et il me faut avancer. C'est impossible n'est-ce pas. Pourtant, on peut avancer. Gagner quelques misĂ©rables millimĂštres... (p. 20-21) 29 octobre 1973. - °ÚâŠ] [L]es valeurs morales ne sont pas accessibles. Et on ne peut pas les dĂ©finir. Pour les dĂ©finir, il faudrait prononcer un jugement de valeur, ce qui ne se peut. C'est pourquoi je n'ai jamais Ă©tĂ© d'accord avec cette notion de thĂ©Ăątre de l'absurde. Car lĂ , il y a jugement de valeur. On ne peut mĂȘme pas parler du vrai. C'est ce qui fait partie de la dĂ©tresse. Paradoxalement, c'est par la forme que l'artiste peut trouver une sorte d'issue. En donnant forme Ă l'informe. Ce n'est peut-ĂȘtre qu'Ă ce niveau qu'il y aurait une affirmation sous-jacente. (p. 35-36)- [Jusqu'au moment d'un brusque chamboulement survenu en 1946], j'avais cru que je pouvais faire confiance Ă la connaissance. Que je devais m'Ă©quiper sur le plan intellectuel. Ce jour-lĂ , tout s'est effondrĂ©. °ÚâŠ]Ìę - J'entrevis le monde que je devais crĂ©er pour respirer. (p. 39) - Ăa n'a pas d'importance de n'ĂȘtre pas publiĂ©. On fait cela pour pouvoir respirer. (p. 43) 14 novembre 1975. - [...] [J]usqu'en 1946, j'ai cherchĂ© Ă savoir, afin d'ĂȘtre en mesure de pouvoir. Puis je me suis aperçu que je faisais fausse route. Mais peut-ĂȘtre n'y a-t-il que des fausses routes. Il faut pourtant trouver la mauvaise route qui vous convient. (p. 53)[Beckett reconnaĂźt s'ĂȘtre effacĂ© de plus en plus dans ses textes.] - Ă la fin, on ne sait plus qui parle. Il y a une totale disparition du sujet. C'est Ă cela qu'aboutit la crise de l'identitĂ©. (p. 54) 11 novembre 1977. - Dans ce sacrĂ© monde, tout nous invite Ă l'indignation⊠Mais au niveau du travail⊠Que pourrait-on dire ?... Rien n'est dicible. (p. 67) |
KNOWLSON James et Elizabeth KNOWLSON (dir.).ÌęBeckett Remembering: Remembering Beckett. A Centenary Celebration, New York, Arcade Publishing, 2006, 313 p. |
Samuel BeckettÌę[...] |
MIGNON, Paul-Louis. « Le thĂ©Ăątre de A jusqu'a Z : Samuel Beckett »,ÌęL'avant-scĂšne du thĂ©Ăątre, no 313 (15 juin 1964), p. 8. |
Je n'envisageais pas une carriĂšre de dramaturge, dit-il,Ìęmais le travail de romancier est dur ; on s'avance dans le noir. Au thĂ©Ăątre, on entre dans un jeu, avec ses rĂšgles, et on ne peut pas ne pas s'y soumettre. MĂȘme si l'on semble bousculer certaines conventions. Il y a des choses que l'on ne peut pas faire, au thĂ©Ăątre, des choses que l'on ne pas faire faire aux acteurs, que l'on ne peut pas faire admettre au public !Ìę(p. 8) |