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Pourquoi certains pays européens sont-ils plus hostiles que d’autres aux immigrants?

Le nationalisme ethnique est plus susceptible de se développer dans les pays ayant subi des pertes territoriales ou vécu des conflits
±ĘłÜ˛ú±ôľ±Ă©: 29 November 2017

Par Katherine Gombay

  • Le sentiment anti-immigration ressenti aujourd’hui en Europe est influencĂ© par les guerres et les conflits ayant marquĂ© l’histoire d’un pays.
  • Dans les pays qui ont des antĂ©cĂ©dents de guerre, de pertes territoriales, d’atteinte Ă  la souverainetĂ© ou de conflit marquant (extĂ©rieur ou intĂ©rieur), un nationalisme ethnique – fondĂ© sur une langue, une culture et une identitĂ© ethnique communes – est plus susceptible de s’installer. Cette forme de nationalisme est associĂ©e Ă  un sentiment anti-immigration plus intense.
  • Dans les pays qui n’ont pas d’antĂ©cĂ©dents de guerre, de pertes territoriales ni de conflit, un nationalisme civique – fondĂ© sur l’égalitĂ©, dans lequel on estime que l’État doit veiller au bien-ĂŞtre de tous les citoyens – est plus susceptible de s’installer. Le sentiment anti-immigration est dès lors moins intense.

Les pays d’Europe qui, aujourd’hui, tendent à se montrer hostiles envers les immigrants ont déjà perdu une partie de leur territoire ou de leur souveraineté, ou encore vécu des conflits intérieurs. Ces expériences traumatiques ont favorisé la montée d’un discours nationaliste à saveur ethnique, ponctué de « nous » et d’« eux », qui rend plus difficile l’acceptation des immigrants d’autres origines.

Une équipe de chercheurs est parvenue à cette conclusion après avoir tenté de comprendre pourquoi l’intensité des sentiments anti-immigration variait d’un pays à l’autre, plus précisément dans 33 pays européens. Pour bien comprendre de quoi il retourne, il suffit de comparer des pays comme l’Italie, les Pays-Bas et la Suède, par exemple, à des pays comme la Grande-Bretagne, la Hongrie ou la Grèce.

D’où vient le sentiment anti-immigration?

« Quel que soit l’angle d’analyse, les auteurs qui se sont penchĂ©s sur la question se sont gĂ©nĂ©ralement attachĂ©s au prĂ©sent, comme si l’histoire des pays n’avait pas d’importance », constate Thomas Soehl, professeur de sociologie Ă  l’Université Ă山ǿĽé et l’un des auteurs d’une Ă©tude sur le sujet publiĂ©e rĂ©cemment dans la revue . « Or, selon nous, bien que plusieurs facteurs contemporains, tant individuels que collectifs, puissent influer sur le sentiment anti-immigration, les conflits intĂ©rieurs ou extĂ©rieurs qui ont secouĂ© un pays y sont pour beaucoup dans le type de nationalisme qui y fait son nid. Nous avançons Ă©galement que le style et l’intensitĂ© de ce nationalisme influent sur l’attitude adoptĂ©e envers les immigrants. »

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont attribué un indice de menace géopolitique (IMG) à chacune des 33 nations européennes étudiées. Cet indice était fonction des conflits intérieurs et extérieurs de même que des pertes de territoire ou de souveraineté ayant marqué l’histoire du pays depuis la formation de l’État-nation moderne. Il reflète donc le vécu traumatique du pays, à savoir les pertes réelles ou légitimement redoutées. Les chercheurs ont ensuite analysé la corrélation entre l’IMG et l’intensité du sentiment anti-immigration animant chacune des nations étudiées.

Influence persistante des discours nationalistes

« La période la plus propice à la genèse du discours nationaliste est celle qui suit la toute première apparition d’un pays sur les cartes géopolitiques modernes », affirme Andreas Wimmer, professeur de sociologie à l’Université Columbia et l’un des auteurs de l’étude. « Nous sommes donc partis de ce point d’ancrage de la mémoire collective, puis nous avons regardé si, pendant ou après cette transition vers l’État-nation, le pays avait essuyé des pertes de territoire et d’indépendance, et vécu des conflits extérieurs et intérieurs récurrents, voire toujours d’actualité. »

Des attitudes qui perdurent

Les chercheurs ont mis leur théorie à l’épreuve en se reportant aux résultats d’une enquête sur la société européenne, la European Social Survey, afin de cerner l’attitude envers les immigrants sur plusieurs années de la première décennie du xxie siècle. Les sondages comportaient des questions sur l’attitude envers d’éventuels immigrants d’origine raciale ou ethnique différente de celle de la majorité du pays hôte. Les chercheurs ont constaté que l’attitude envers les immigrants d’autres races ou groupes ethniques variait très peu au fil du temps dans un même pays. Qui plus est, ils ont observé une nette corrélation entre les réponses aux questions sur l’accueil d’immigrants d’autres races et la place qu’occupait le pays sur l’échelle IMG.

« Dans les pays affichant un IMG de zéro (pas d’amputation territoriale, d’atteinte à la souveraineté ni de conflit historique récurrent), près des deux tiers des répondants se montraient ouverts à l’accueil de nombreux ou de quelques immigrants d’une autre origine raciale ou ethnique », indique Wesley Hiers, professeur de sociologie à l’Université de Pittsburgh. Et, ajoute-t-il, « Dans les pays qui affichaient un IMG de 2, soit à peu près la moyenne, un peu moins de la moitié des répondants (48 pour cent) étaient disposés à ouvrir les portes de leur pays à de nombreux ou à quelques immigrants ». Enfin, lorsque l’IMG atteignait 6 (l’indice de menace le plus élevé), à peine plus du quart des répondants étaient favorables à l’arrivée de quelques ou de nombreux immigrants. « Et ces chiffres demeuraient exacts, poursuit-il, même après la prise en compte de l’effet d’autres facteurs, notamment la disparité entre zones urbaines et rurales, la religion, le niveau de scolarité, le taux d’immigration contemporaine et le chômage. À la lumière de ces constats, nous croyons que les luttes et les guerres géopolitiques, les pertes territoriales et les atteintes à la souveraineté qui ont émaillé l’histoire d’un pays façonnent effectivement les attitudes actuelles de ses citoyens envers les immigrants en Europe. Reste maintenant à vérifier si notre théorie s’applique dans un autre espace géographique, par exemple en Amérique latine. »

DĂ©tails historiques

L’article «  », par Wesley Hiers, Thomas Soehl et Andreas Wimmer, a Ă©tĂ© publiĂ© dans la revue ł§´Çł¦ľ±˛ą±ôĚýąó´Ç°ůł¦±đ˛ő.

±Ę±đ°ů˛ő´Ç˛Ô˛Ô±đ˛ő-°ů±đ˛ő˛ő´ÇłÜ°ůł¦±đ˛őĚý:

Pr Thomas Soehl, Ph. D.
DĂ©partement de sociologie, Université Ă山ǿĽé
thomas.soehl [at] mcgill.ca

Wesley Hiers, Ph. D.
Département de sociologie, Université de Pittsburgh
wjh16 [at] pitt.edu

Pr Andreas Wimmer, Ph. D.
Département de sociologie, Université Columbia
andreas.wimmer [at] columbia.edu

°­˛ąłŮłó±đ°ůľ±˛Ô±đĚýłŇ´Çłľ˛ú˛ą˛â
Relations publiques et relations avec les mĂ©dias, Université Ă山ǿĽé
katherine.gombay [at] mcgill.ca
Tél. : 514 398-2189

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