Nouvelle forme d’anomalie cosmique
Les propriétés physiques de certains des plus extraordinaires objets stellaires dans l’Univers viennent d’acquérir un caractère encore plus déroutant.
À l’aide du satellite Swift de la NASA, des astronomes – sous la direction de chercheurs mcgillois – ont découvert une nouvelle anomalie cosmique survenant plus précisément dans la rotation d’une étoile à neutrons.
Les étoiles à neutrons comptent parmi les objets observables les plus denses de l’Univers ; c’est seulement dans des trous noirs, leurs proches cousins, qu’on trouve une densité supérieure. La masse d’une étoile à neutrons correspond généralement à celle d’un demi-million de planètes Terre, pour un diamètre approximatif de 20 kilomètres seulement. On estime à environ un milliard de tonnes le poids d’une cuillerée à thé de matière composant une étoile à neutrons, soit l’équivalent de 100 gratte-ciel faits de plomb massif.
Les étoiles à neutrons sont caractérisées par leur rotation très rapide qui peut atteindre plusieurs centaines de révolutions par seconde. Le terme « anomalie » qualifie l’augmentation soudaine de la vitesse de rotation d’une étoile à neutrons. Pendant longtemps, ce phénomène a été attribué à la présence de liquide -- vraisemblablement un superfluide -- dans ces objets stellaires compacts et extrêmement denses.
Ce nouvel incident cosmique a été observé dans un magnétar, une étoile à neutrons ayant un champ magnétique particulièrement intense dont les émissions de rayons X sont parfois d’une puissance telle qu’elles peuvent entraîner des répercussions sur l’atmosphère terrestre, même lorsqu’ils sont situés à l’autre extrémité de la galaxie. Un magnétar possède un champ magnétique remarquablement puissant. En effet, le champ magnétique d’un magnétar est tel que si celui-ci était situé à la distance de la Lune, il neutraliserait la bande magnétique d’une carte de crédit située sur Terre.
Sous la direction de chercheurs mcgillois, des astronomes ont découvert un nouveau phénomène, soit la diminution soudaine de la vitesse de rotation d’un magnétar -- un freinage cosmique « antianomalie ». Les résultats de leurs travaux font l’objet d’un article publié le 30 mai dans la revue Nature.
À l’aide du télescope à rayons X du satellite Swift, l’équipe de Ã山ǿ¼é a observé le magnétar 1E 2259+586 situé dans la constellation de Cassiopée, à quelque 10 000 années-lumière de la Terre, afin d’étudier sa rotation et de détecter les gigantesques explosions de rayons X parfois émises par les magnétars.
« Lorsque j’ai pris connaissance des données, j’ai été estomaqué de constater que l’étoile à neutrons avait subitement ralenti », affirme Rob Archibald, auteur principal de l’article et étudiant en maîtrise à l’Université Ã山ǿ¼é. « Ces étoiles ne se comportent généralement pas de la sorte. »
Outre ce ralentissement soudain, de l’ordre du tiers d’une partie par million du taux de rotation de sept secondes, les chercheurs ont également observé une augmentation marquée des émissions de rayons X du magnétar, témoignant ainsi de l’existence d’un événement important à l’intérieur ou à proximité de la surface de l’étoile à neutrons.
« Nous avions déjà observé de gigantesques explosions de rayons X provenant de magnétars », affirme Victoria Kaspi, professeure de physique à Ã山ǿ¼é et chercheuse principale du programme de surveillance à l’aide du satellite Swift, « mais la présence d’une antianomalie nous a grandement étonnés. Cela nous révèle des données entièrement nouvelles quant aux propriétés physiques de ces objets fascinants. » En 2002, le Rossi X-ray Timing Explorer de la NASA avait également décelé d’importantes émissions de rayons X à partir de cette même source, mais accompagnées d’une accélération soudaine de la vitesse de rotation, phénomène plus courant.
La structure interne des étoiles à neutrons est depuis longtemps une énigme, car la matière qu’elles contiennent est soumise à des forces si intenses qu’elles ne peuvent être reproduites dans les laboratoires terrestres. Selon les scientifiques, la densité au cœur de ces étoiles serait plus de dix fois supérieure à celle mesurée dans le noyau atomique, dépassant largement les frontières actuelles des théories de la matière.
L’antianomalie observée par les scientifiques semble fortement indiquer la présence de comportements jamais décelés auparavant à l’intérieur d’étoiles à neutrons, possiblement déclenchés par des poches de superfluide d’une vitesse de rotation différente. Dans l’article publié dans la revue Nature, les chercheurs précisent que certaines propriétés d’anomalies classiques demeurent des énigmes et suggèrent certaines lacunes dans les théories existantes. Ils espèrent que cette découverte permettra de mieux comprendre la structure interne des étoiles à neutrons.
Ces travaux ont été financés en partie par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, l’Institut canadien de recherches avancées, le Fonds de recherche du Québec --Nature et technologies, le Programme des chaires de recherche du Canada, la Chaire Lorne Trottier en astrophysique et cosmologie et le Centre de recherche en astrophysique du Québec.