La science citoyenne, outil d’actualisation de l’aire de répartition d’espèces rares
La collecte de données en ligne dans le cadre de projets de science citoyenne pourrait se révéler utile pour cartographier la répartition d’espèces rares dans la nature. C’est ce qui ressort d’une étude de Yifu Wang et de ses collègues de l’Université Ã山ǿ¼é, publiée le 8 août dans la revue en accès libre .
Pour comprendre la réalité écologique d’un organisme, prévoir les conséquences qu’auront sur lui les changements climatiques et l’activité humaine, puis élaborer des stratégies de gestion de l’espèce, on doit absolument établir des cartes de répartition de cette dernière. Malheureusement, on ignore l’aire de répartition exacte de la plupart des espèces, parce que les biologistes de terrain qui fournissent données et spécimens aux musées – principale source d’information en la matière – sont peu nombreux. Qui plus est, les changements climatiques déplacent les aires de répartition, et les professionnels à l’affût de ces changements sont encore plus rares.
Afin d’évaluer l’utilité de la science citoyenne pour la cartographie d’espèces, les auteurs ont eu recours à des bases de données en ligne constituées d’observations de scientifiques amateurs et à des données provenant de collections muséales sur deux espèces d’araignées : la malmignatte du nord (Latrodectus variolus) et la mygale obscure (Sphodros niger). Ils ont délimité la répartition de chaque espèce au moyen de divers tests statistiques et outils de modélisation dans le but d’exclure les observations douteuses et d’accroître ainsi la validité du modèle de répartition final. En outre, ils ont comparé leur évaluation de l’aire de répartition actuelle aux données historiques pour déterminer s’il y avait eu déplacement au fil du temps.
Selon leur évaluation, l’aire de répartition de la mygale obscure pourrait s’être déplacée depuis les années 1960. En effet, elle se serait resserrée dans le coin sud-ouest (Arkansas, Missouri et Tennessee) et étendue le long de la limite nord, au Canada. De même, l’aire de la malmignatte du nord se serait agrandie à sa limite septentrionale. Le facteur environnemental le plus important pour la délimitation de l’aire de répartition actuelle était la température moyenne des trois mois les plus froids de l’année pour la mygale obscure et des trois mois les plus chauds pour la malmignatte du nord.
« Dans notre projet, les données citoyennes ont été essentielles à la modélisation des aires de répartition », explique Christopher Buddle, professeur à l’Université Ã山ǿ¼é. « Les personnes qui s’intéressent aux habitats fauniques peuvent véritablement contribuer à l’avancement de la science. C’est formidable! Leur apport est important et change les façons de faire des chercheurs. »
« Nos modèles constituent les premières cartes de répartition fiables de ces deux espèces », se réjouit Yifu Wang, qui a entrepris ce travail lorsqu’elle étudiait au premier cycle dans le laboratoire du Pr Buddle. Elle note toutefois que d’après ces modèles, l’aire de répartition des deux espèces déborde le cadre actuellement connu. « Il faudrait maintenant valider nos modèles en faisant de l’échantillonnage dans les habitats typiques de ces espèces compris dans notre aire de répartition. À cette fin, nous nous proposons de faire de l’échantillonnage à grande échelle en lançant un appel à tous sur des plateformes comme BugGuideet iNaturalist. Ce serait là une solution novatrice, rapide, économique et très efficace pour mettre nos modèles à l’épreuve. »Â
L’article «  », par Yifu Wang, Nicolas Casajus, Christopher Buddle, Dominique Berteaux et Maxim Larrivée, a été publié dans la revue ±Ê³¢°¿³§Ìý°¿±··¡Â
Image 1: malmignatte du nord, crédit: Sean McCann
Image 2: mygale obscure, crédit: Sean McCann