Affamer les cellules cancéreuses du poumon
Les scientifiques ont découvert une façon de freiner la croissance des cellules pulmonaires cancéreuses en bloquant leur capacité à utiliser d’autres sources de nutrition. Cette découverte a été rendue possible en identifiant les programmes métaboliques utilisés par les cellules cancéreuses pour alimenter leur croissance.
Elle pourrait ouvrir la voie Ă de nouvelles mĂ©thodes de traitement du cancer du poumon, au deuxième rang des cancers les plus rĂ©pandus et responsable de plus du quart de tous les dĂ©cès par cancer. Les rĂ©sultats de l’étude ayant menĂ© Ă cette dĂ©couverte ont Ă©tĂ© publiĂ©s le 15ĚýoctobreĚý2015 dans la revue scientifique Molecular Cell.
L’alimentation prĂ©fĂ©rĂ©eĚýdes cellules cancĂ©reuses
Les cellules cancéreuses présentent un métabolisme très différent de celui des cellules normales. Leur prolifération rapide nécessite un apport énergétique plus important, lequel est assuré par l’utilisation du glucose (sucre) comme principal élément nutritif. Le taux d’utilisation du glucose par les cellules cancéreuses est des dizaines, voire des centaines de fois plus élevé que celui des cellules normales. Toutefois, lorsque le glucose se fait rare, les cellules cancéreuses doivent utiliser d’autres sources de nutrition pour assurer leur croissance et leur survie.
Une Ă©quipe de scientifiques de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé, de l’UniversitĂ© Washington, Ă Saint‑Louis, de l’UniversitĂ© ITMO, Ă Saint-PĂ©tersbourg, en Russie, et de l’UniversitĂ© de Bristol, au Royaume-Uni, a Ă©tudiĂ© la rĂ©ponse des cellules cancĂ©reuses lorsque la disponibilitĂ© du glucose, principale source d’énergie de la plupart des cellules cancĂ©reuses, est rĂ©duite. Les chercheurs ont choisi d’étudier l’un des types de cancer du poumon le plus rĂ©pandu, le cancer du poumon non Ă petites cellules, qui touche de 85 Ă 90Ěýpour cent de toutes les victimes de cancer pulmonaire. Ils ont dĂ©couvert que certaines cellules pulmonaires cancĂ©reuses se nourrissent plutĂ´t de glutamine, un acide aminĂ©, lorsque le glucose se fait rare.
Les chercheurs ont Ă©galement dĂ©couvert que les cellules cancĂ©reuses utilisent une enzyme appelĂ©e PEPCK pour reprogrammer leur mĂ©tabolisme. «ĚýJusqu’à tout rĂ©cemment, seule l’enzyme PEPCK prĂ©sente dans les tissus spĂ©cialisĂ©s qui produisent du glucose, comme le foie, avait fait l’objet d’études approfondiesĚý», affirme EmmaĚýVincent, associĂ©e de recherche Ă l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé et auteure principale de l’étude. «ĚýNous avons dĂ©couvert que certaines cellules cancĂ©reuses expriment Ă©galement l’enzyme PEPCK, ce qui leur confère la capacitĂ© de transformer la glutamine en Ă©nergie et en divers Ă©lĂ©ments favorisant leur croissance. Grâce Ă ce changement mĂ©tabolique, l’enzyme PEPCK permet non seulement aux cellules cancĂ©reuses de survivre, mais Ă©galement de continuer Ă prolifĂ©rer en pĂ©riode de famine.Ěý» Les scientifiques ont dĂ©montrĂ© que l’inhibition de l’enzyme PEPCK dans les cellules cancĂ©reuses pouvait ralentir la croissance tumorale chez la souris.
Énergie alternative pour cellules cancéreuses
L’équipe de chercheurs a Ă©galement observĂ© une augmentation du taux d’enzyme PEPCK dans les tissus de patients atteints de cancer du poumon. «ĚýLe fait que le taux d’enzyme PEPCK soit plus Ă©levĂ© dans certains cas de cancer pulmonaire permet de croire que cette dernière pourrait jouer un rĂ´le dans la maladie chez l’hommeĚý», ajoute RussellĚýJones, professeur agrĂ©gĂ© de physiologie au Centre de recherche sur le cancer Goodman de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé. L’étude suggère que la disponibilitĂ© des nutriments dans l’organisme, oĂą les cellules cancĂ©reuses doivent rivaliser pour obtenir du glucose et d’autres Ă©lĂ©ments nutritifs, peut influer sur l’évolution du cancer. «ĚýNos travaux montrent que les cellules cancĂ©reuses peuvent recourir Ă d’autres sources d’énergie pour alimenter leur croissance en prĂ©sence de stressĚý», affirme le professeur Jones. «ĚýTout en Ă©tant l’une des caractĂ©ristiques qui font du cancer une maladie si dĂ©vastatrice, cette souplesse remarquable ouvre nĂ©anmoins la voie Ă de nouveaux traitements.Ěý»
«ĚýLa comprĂ©hension des mĂ©canismes utilisĂ©s par les cellules cancĂ©reuses pour s’adapter Ă leur environnement offre de nouvelles possibilitĂ©s de traitement pour cette maladie mortelleĚý», explique AlexeyĚýSergushichev, bioinformaticien et doctorant au DĂ©partement de technologie informatique de l’UniversitĂ© ITMO. «ĚýNous espĂ©rons que nos travaux sur l’enzyme PEPCK et les altĂ©rations mĂ©taboliques dans les cellules pulmonaires cancĂ©reuses ouvriront la voie Ă des traitements novateurs pour le cancer du poumon non Ă petites cellules, l’un des types de cancer les plus dĂ©vastateurs.Ěý»
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Ces travaux ont Ă©tĂ© appuyĂ©s par des subventions du Programme intĂ©grĂ© de formation en recherche sur le cancer de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé, le gouvernement de la FĂ©dĂ©ration de Russie, le Fonds de recherche du QuĂ©becĚý‒ĚýSantĂ©, Le prix Seeding Drug Discovery du Wellcome Trust, les Instituts de recherche en santĂ© du Canada, la Fondation TerryĚýFox, et la SociĂ©tĂ© de recherche sur le cancer.
L’article «ĚýMitochondrial Phosphoenolpyruvate Carboxykinase Regulates Metabolic Adaptation and Enables Glucose-Independent Tumor GrowthĚý», par EmmaĚýE.ĚýVincent, AlexeyĚýSergushichev et coll., a Ă©tĂ© publiĂ© dans la revue scientifique Molecular Cell leĚý15ĚýoctobreĚý2015.
(15)00659-0
Pour communiquer directement avec le chercheurĚý: russell.jones [at] mcgill.ca
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