Économies pour les producteurs de blé?
Certaines années, lorsque les pluies prolongées et l’humidité excessive font germer les grains avant leur pleine maturité, les pertes enregistrées par l’industrie mondiale du blé peuvent atteindre un milliard de dollars. Dans de telles conditions, le rendement est diminué et les grains sont de moins bonne qualité. Ce phénomène, appelé germination prématurée, a des répercussions économiques si importantes pour les agriculteurs à l’échelle mondiale que les scientifiques s’efforcent depuis au moins une vingtaine d’années d’y trouver une solution. Ils ont principalement axé leurs travaux sur les facteurs génétiques et les interactions entre les génotypes et l’environnement pour tenter d’obtenir des variétés de blé résistant à la germination prématurée, sans toutefois connaître beaucoup de succès.
Selon les rĂ©sultats de travaux rĂ©alisĂ©s par des chercheurs de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé, la solution pourrait reposer sur une association de facteurs gĂ©nĂ©tiques et Ă©pigĂ©nĂ©tiques plutĂ´t qu’essentiellement gĂ©nĂ©tiques. L’équipe dirigĂ©e par le professeur JaswinderĚýSingh, du DĂ©partement des sciences vĂ©gĂ©tales de Ă山ǿĽé, a identifiĂ© un gène clĂ© qui agit Ă la manière d’un interrupteur et permet de dĂ©terminer si une plante exposĂ©e Ă une humiditĂ© et Ă des pluies excessives rĂ©agira en germant prĂ©maturĂ©ment ou non. Cet «ĚýinterrupteurĚý» est situĂ© sur un gène clĂ©, l’ARGONAUTEĚý4_9, dans la voie de mĂ©thylation de l’ADN dĂ©pendante des ARN (RdDM).
«ĚýLes mĂ©canismes complexes du RdDM reposent sur plusieurs protĂ©ines qui orientent le gĂ©nome en fonction des signaux associĂ©s Ă la croissance, au dĂ©veloppement et au stress, un peu comme s’il s’agissait du cerveau de la planteĚý», explique le professeur Singh. «ĚýMĂŞme si des scientifiques avaient dĂ©jĂ dĂ©couvert que le RdDM assure la rĂ©gulation de l’expression de plusieurs gènes, aucun lien n’avait encore Ă©tĂ© Ă©tabli entre cette voie et la germination prĂ©maturĂ©e.Ěý»
Pour rĂ©aliser cette dĂ©couverte, l’équipe mcgilloise a fait appel Ă divers outils gĂ©nomiques et molĂ©culaires afin d’identifier certains gènes ARGONAUTEĚý4, puis a comparĂ© la façon dont ces gènes sont exprimĂ©s dans des variĂ©tĂ©s de blĂ© rĂ©sistantes ou sensibles Ă la germination prĂ©maturĂ©e.
«ĚýCette dĂ©couverte est Ă©galement importante pour d’autres cĂ©rĂ©ales que le blĂ©, comme l’orgeĚý», prĂ©cise le doctorant Surinder Singh, qui travaille prĂ©sentement dans le laboratoire du professeur Singh et a participĂ© Ă cette Ă©tude. «ĚýElle pourrait nous Ă©viter de fabriquer du pain Ă l’aspect peu appĂ©tissant et dont la mie prĂ©sente une texture collante en raison de la germination prĂ©maturĂ©e du blĂ©, mais aussi de produire de meilleures bières.Ěý»
«ĚýCette Ă©tude permettra aux scientifiques d’explorer de nouvelles façons d’amĂ©liorer le rendement du blĂ© et de rĂ©duire les pertes attribuables Ă l’humiditĂ© excessive. Elle devrait Ă©galement permettre aux agriculteurs et aux gouvernements de toutes les rĂ©gions du monde de rĂ©aliser d’importantes Ă©conomies.Ěý»
L’étude, intitulée Polymorphic homoeolog of key gene of RdDM pathway, ARGONAUTE4_9 class is associated with Pre-harvest Sprouting in wheat (Triticum aestivum L.), a fait l’objet d’un article publié récemment dans la revue scientifique PLOS ONE. .
Les travaux ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)
Pour communiquer directement avec le chercheur: jaswinder.singh [at] mcgill.ca
Ěý