Quoi de plus écologique que des panneaux solaires? Après tout, ils produisent de l’énergie renouvelable, un élément clé de la lutte aux changements climatiques. Malheureusement, bon nombre des composantes avec lesquelles ils sont fabriqués proviennent de matériaux non durables, voire toxiques.
Noémie-Manuelle Dorval Courchesne, professeure adjointe au Département de génie chimique de l’Université Ã山ǿ¼é, espère remédier à la situation grâce à ses travaux sur les propriétés conductrices de certaines protéines, un axe de recherche qui pourrait un jour aboutir à la mise au point de cellules solaires biologiques et biodégradables.
La nature abonde en biomatériaux écologiques aux propriétés leur permettant de s’assembler pour créer des formes complexes et de se lier à différentes molécules ou particules. De plus en plus, les scientifiques tentent d’imiter ces processus – un champ de recherche appelé « biomimétisme » – afin d’apporter des solutions vertes à plusieurs enjeux écologiques.
« Nous essayons de reproduire ce que nous trouvons dans la nature », explique professeure Dorval Courchesne. « J’ai toujours éprouvé de l’intérêt pour les biomatériaux », ajoute la chercheuse originaire de la région de l’Outaouais, qui a étudié la biotechnologie à l’Université d’Ottawa avant d’obtenir son doctorat au MIT. « Je me suis d’abord penchée sur la possibilité de recouvrir des protéines ou des microorganismes d’une couche de matières inorganiques pouvant servir à conduire l’électricité ou à emmagasiner la lumière. Cela dit, ces particules inorganiques demeuraient toxiques, c’est pourquoi, durant mes études postdoctorales (à l’Institut Wyss de génie biologique de l’Université Harvard), je me suis intéressée à l’emploi de biomatériaux écologiques pouvant eux-mêmes être conducteurs. »
Depuis son entrée à l’Université Ã山ǿ¼é, en 2017, le Laboratoire Dorval se consacre à la conception de biomatériaux à base de protéines dotés de propriétés novatrices, notamment l’absorption ou l’émission de lumière, et la conductivité électrique. Dans sa quête, la professeure Dorval Courchesne s’est fait une alliée inattendue : une bactérie qui produit naturellement des nanofilaments protéiques capables de conduire l’électricité. « Nous nous sommes inspirés de ces nanofilaments pour créer nos propres fils protéiques », indique-t-elle.
Si la plupart des protéines ne peuvent conduire l’électricité, ces dernières années, des scientifiques ont découvert deux bactéries atypiques (Geobacter sulfurreducens et Shewanella oneidensis) produisant naturellement des nanofilaments protéiques extracellulaires qui transmettent un courant électrique servant à oxyder certains métaux, notamment le fer, et à générer des sous-produits aux fins de leur métabolisme dépourvu d’oxygène.
S’ils n’en sont qu’au début de leur recherche sur les fils protéiques, la professeure Dorval Courchesne et ses collaborateurs de l’Université Harvard qu’il était possible d’y faire passer un courant électrique. Bien que cette conductivité ne se compare pas encore à celle des nanofilaments d’origine naturelle, la chercheuse est tout de même convaincue qu’on pourra les modifier de façon à les rendre utiles pour de nombreuses applications. Elle espère qu’un jour, ils pourront servir à la fabrication de panneaux solaires écologiques.
« Nous savons déjà que ces fils conduisent l’électricité, et nous tentons maintenant de découvrir s’il est possible de les modifier pour qu’ils soient capables d’absorber la lumière et stocker de l’énergie, et éventuellement servir de substituts à certains composés toxiques non durables, comme divers nanomatériaux, employés dans les panneaux solaires actuels. »
D’après la professeure Dorval Courchesne, qui est membre de l’Institut de durabilité en génie et conception Trottier de l’Université Ã山ǿ¼é et du Centre québécois sur les matériaux fonctionnels, la production de leurs protéines modifiées pourra aisément être accrue et ainsi offrir une solution de rechange rentable aux matériaux traditionnels qui entrent dans la fabrication des cellules solaires.
Son équipe examine également comment leurs protéines pourraient être modifiées pour se lier à d’autres molécules ou protéines de plus petite taille, telles que des marqueurs biologiques et des contaminants environnementaux, ce qui les rendrait utiles dans la création de détecteurs environnementaux ou de sondes de bio-détection pour des applications biomédicales..
« Les biomatériaux offrent un immense potentiel d’utilisation dans une vaste gamme d’applications énergétiques, environnementales et biomédicales », croit la chercheuse. « Dans notre quête de durabilité, le génie de la nature est une merveilleuse source d’inspiration! »