Pour les consommateurs canadiens, 2021 a Ă©tĂ© synonyme de perturbation de la chaĂ®ne d’approvisionnement mondiale, d’augmentation des prix au supermarchĂ© et Ă la pompe et de hausse du taux d’inflation Ă son plus haut niveau en 18 ans. La pandĂ©mie de COVID-19 est la principale responsable de cette convergence d’évĂ©nements sans prĂ©cĂ©dent, et comme nous commencions Ă entrevoir une sortie de crise, le très contagieux variant Omicron a provoquĂ© une hausse rapide des cas de COVID-19 et forcĂ© les Ă©conomistes Ă revoir leurs prĂ©visions pour la prochaine annĂ©e. Â
Pendant une grande partie des deux dernières annĂ©es, les restrictions liĂ©es Ă la pandĂ©mie et les pertes d’emploi ont contraint bon nombre de Canadiens Ă repousser leurs projets de vacances et d’autres achats importants. En mĂŞme temps, la pandĂ©mie a mis du sable dans l’engrenage de la chaĂ®ne d’approvisionnement mondiale et entraĂ®nĂ© des pĂ©nuries en magasin. Par consĂ©quent, Ă la fin de 2021, il y avait beaucoup d’argent dans les poches des consommateurs, mais pas assez de produits en magasin. RĂ©sultat? Presque tous les prix ont augmentĂ©. Â
Les consommateurs continueront de dĂ©penser… pour l’instant Â
En novembre dernier – avant les restrictions et les confinements imposĂ©s par l’arrivĂ©e d’Omicron – les donnĂ©es produites par Statistique Canada indiquaient que les consommateurs canadiens, optimistes quant Ă la fin prochaine de la pandĂ©mie, Ă©taient prĂŞts Ă recommencer Ă dĂ©penser. Après une accalmie au deuxième trimestre de 2021, l’économie canadienne a connu une croissance de 5,4 % pendant le troisième trimestre sous l’effet d’une augmentation vigoureuse des dĂ©penses de consommation. Les consommateurs ont dĂ©pensĂ© davantage pour des choses qu’ils n’avaient pas pu se procurer en dĂ©but d’annĂ©e. Ils ont notamment recommencĂ© Ă frĂ©quenter les restaurants et les bars, ou encore Ă acheter des sĂ©jours Ă l’hĂ´tel et des billets d’avion, si bien que ce type de dĂ©pense a connu une hausse spectaculaire de 181,9 %. Â
D’après John Gradek, chargĂ© d’enseignement dans les programmes de certificat et de diplĂ´me en gestion de la chaĂ®ne d’approvisionnement, logistique et gestion des opĂ©rations Ă l’École d’éducation permanente de Ă山ǿĽé, cet Ă©lan devrait se poursuivre, du moins Ă court terme. Â
« La demande demeurera instable puisque les pays consommateurs, qui ont plus d’argent en poche en raison des restrictions de voyage et des confinements localisĂ©s, continueront d’acheter frĂ©nĂ©tiquement des produits importĂ©s dont le prix baissera, explique-t-il. Petite consolation Ă court terme : nous aurons droit Ă une sorte de soldes d’Après-NoĂ«l en fĂ©vrier et en mars Ă©tant donnĂ© que tous les biens qui se sont retrouvĂ©s coincĂ©s dans la chaĂ®ne d’approvisionnement avant NoĂ«l commenceront bientĂ´t Ă arriver dans nos commerces.Â
« Non, la situation n’est pas simple. » Â
Charles de Brabant, directeur exĂ©cutif de l’École Bensadoun de commerce au dĂ©tail Ă la FacultĂ© de gestion Desautels, est d’avis que mĂŞme si Omicron ralentissait les ardeurs des consommateurs Ă court terme, la situation pourrait se redresser si le virus disparaissait rapidement.  Â
« Omicron a quelque peu freinĂ© les consommateurs dans leurs achats, explique Charles de Brabant. Nous pourrions toutefois assister Ă une augmentation des dĂ©penses, surtout si les commandes excessives effectuĂ©es par les dĂ©taillants durant les deux derniers trimestres de 2021 donnent lieu Ă une arrivĂ©e massive de commandes tardives pendant le premier trimestre de 2022. »  Â
Malheureusement, en début d’année, aucun événement important comme Noël, l’Après-Noël et le Vendredi fou, à part peut-être la Saint-Valentin, ne peut venir donner un coup de pouce aux commerçants. « Les grands détaillants devront peut-être inventer quelques événements, comme « des soldes pour le retour du printemps » pour stimuler les ventes, ajoute-t-il.
John Gradek rappelle que plus la pandĂ©mie persistera un peu partout dans le monde, plus les grandes chaĂ®nes d’approvisionnement risquent de connaĂ®tre des ratĂ©s. Et les problèmes pourraient prendre plusieurs mois Ă se rĂ©soudre. Â
« La pandĂ©mie n’est pas terminĂ©e, et Omicron nous donne du fil Ă retordre. Comme la situation occasionne des problèmes tant du cĂ´tĂ© de l’offre que du cĂ´tĂ© de la demande, la chaĂ®ne d’approvisionnement sera encore un sujet de prĂ©occupation en 2022, voire en 2023. » Â
Le prix des aliments continuera de grimperÂ
En 2021, tout le monde a remarquĂ© une augmentation rapide du prix des aliments. Le plus rĂ©cent Rapport sur les prix alimentaires canadiens ne prĂ©voit pas vraiment de rĂ©pit pour la prochaine annĂ©e. On prĂ©voit que les prix augmenteront de 5 Ă 7 % en 2022, principalement Ă cause des perturbations dans la chaĂ®ne d’approvisionnement. Â
« Rien n’indique une stabilisation du prix de la nourriture et de l’essence, et encore moins un retour Ă des niveaux plus bas, admet John Gradek. Nous revenons toujours au concept de l’offre et de la demande. Comme les consommateurs gèrent leur budget consacrĂ© Ă la nourriture de façon plus serrĂ©e, notamment en achetant en grosses quantitĂ©s et en rĂ©duisant les coĂ»ts par d’autres moyens, les rĂ©percussions de cette hausse des prix pourraient ne pas ĂŞtre trop importantes. Et une bonne production agricole, pas trop touchĂ©e par les changements climatiques, aiderait vraiment les choses cet Ă©tĂ©. »Â
En mĂŞme temps, après une baisse sous la barre du dollar le litre dans la rĂ©gion de MontrĂ©al au dĂ©but de la pandĂ©mie en 2020, le prix de l’essence a atteint des sommets record en 2021, bien au-dessus de 1,50 $ le litre. John Gradek ajoute que c’est la gĂ©opolitique, et non la COVID-19, qui influera principalement sur le prix de l’essence. Â
« L’instabilitĂ© politique Ă l’échelle mondiale influera sur le prix du pĂ©trole brut, et le prix du pĂ©trole brut dĂ©terminera les prix pour les consommateurs canadiens , ajoute-t-il. Si une querelle Ă©clate entre la Russie et l’Ukraine, entre la Chine et TaĂŻwan ou entre les membres de l’OPEP, le prix du pĂ©trole brut flambera et nous en ressentirons les effets Ă la pompe. Â
« L’inflation sera toujours un sujet de prĂ©occupation en 2022. Au Canada, le taux d’inflation a atteint 4,7 % en novembre dernier, un sommet depuis fĂ©vrier 2003. Malheureusement, la fluctuation de ce taux est entre les mains de nos Ă©lus. Je pense que l’augmentation sera moins forte, mais que nous aurons tout de mĂŞme affaire Ă une hausse. » Â
Il faut se prĂ©parer pour l’inattenduÂ
Pour 2022, les consommateurs doivent encore s’attendre Ă vivre des hauts et des bas importants. Â
« Les dĂ©taillants et les consommateurs ont dĂ» s’adapter, et ils devront continuer d’élaborer des scĂ©narios possibles : si une situation se produit, je devrai agir de telle façon, mais si la situation change, je devrai plutĂ´t faire ça, explique Charles de Brabant. Par consĂ©quent, les consommateurs et les dĂ©taillants devront chercher Ă amĂ©liorer constamment leur efficacitĂ© et Ă faire preuve d’agilitĂ©, de crĂ©ativitĂ© et de rĂ©silience. » Â
« Je crois que les experts de la chaĂ®ne d’approvisionnement ne retrouveront jamais le calme qui rĂ©gnait jusqu’à tout rĂ©cemment, affirme John Gradek. Les tablettes vides et les pĂ©nuries de produits feront partie de notre quotidien pendant un certain temps. Attachez vos ceintures : le parcours ne sera pas de tout repos. »Â