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Lafrance : Avenir de la recherche

Perspectives critiques sur les grandes transformations
Published: 12 February 2013

Le Sommet sur l’éducation supérieure est une magnifique occasion pour faire le point sur l’université québécoise. L’université actuelle est le résultat combiné de deux conjonctures historiques. Premièrement, les initiateurs de la Révolution tranquille ont voulu favoriser l’accessibilité maximale aux études supérieures, quelque soit le statut social de l’étudiant, sa localisation géographique, son futur métier : de cette vision est née l’université du Québec, ce qui a complètement modifié la compétition inter-campus. Deuxièmement, pendant plus de quatre décennies, on a assisté à plusieurs transformations majeures qui peuvent être classées en trois périodes : la période expansionniste 1970-1990 où plusieurs nouveaux départements sont apparus, la période de remise en question de la décennie 1990, et enfin la période du changement de garde que l’on connaît.

Dans un monde qui change très rapidement, les choix passés sont-ils encore pertinents? Ce sommet arrive donc à point pour en discuter. Du moins, on l’espère. Car au moment d’écrire ce texte, les discussions avaient beaucoup tourné autour des frais de scolarité, de l’accessibilité des étudiants au premier cycle, du financement, et bien sûr de la gouvernance. Mais bien peu de questions ont été posées sur la pertinence des grandes orientations existantes. Par exemple, tout un pan de la vocation universitaire est resté dans l’ombre médiatique : c’est celui de la recherche et de la formation des étudiants au niveau de la maîtrise et du doctorat.

La recherche plus importante… mais pas mieux financée

Dans les départements de science fondamentale et appliquée, il faut savoir que les professeurs consacrent désormais plus temps à la recherche et à la direction d’équipe de recherche qu’à l’enseignement. Il faut savoir également que les demandes d’expansion des locaux ont comme motif principal la recherche et non l’enseignement. Le complexe des sciences à l’UQAM et le campus Outremont de l’UdM en sont des exemples.
Personnellement, je suis d’accord avec ce virage vers la recherche. La recherche et la formation aux cycles supérieurs correspondent au quatrième niveau d’éducation que toute société avancée se doitd’appuyer. Le Québec avait du rattrapage à faire et l’université ya joué un rôle de premier plan. Mais la population est en droit de comprendre ce que cela signifie en termes de coûts publics supplémentaires.

Comme les fonds publics n’ont pas suivi ce déplacement des priorités vers la recherche, on a assisté à des transformations des pratiques de gestion, qui ne sont pas toutes positives. Comme premier exemple, les universités québécoises ont pigé de plus en plus dans leur budget de rercherche et de développement (R&D) pour financer les autres postes de dépenses, dont le béton. C'est ce que concluait une () rendue publique en octobre 2010.

Comme autre impact de ce déséquilibre de financement, les professeurs-chercheurs ont dû assumer de plus en plus les coûts de leur propre fonctionnement. Pire, des frais ont été imposés sur les subventions et les commandites pour payer la gestion de leur département. Comment se surprendre que dans la plupart des universités, les équipes de recherche ne reçoivent plus aucun support de leur institution? En réaction, les équipes ont réduit leurs effectifs du côté assistants de recherche et techniciens, pour confier la tâche de plus en plus aux étudiants.

Premier constat : Ce mode de recherche basé sur le couple prof/étudiant est donc un recul par rapport à celui des équipes équilibrées des années 1970. C’est la science qui perd auchange. Deuxième constat : Aux yeux des professeurs-chercheurs, le sous-financement des universités affecte d’abord et avant tout la formation supérieure et la recherche, et non l’enseignement au premier cycle.

Les choses risquent d’empirer. Le Québec avait une politique scientifique originale. Il a été un pionnier en créant ses trois conseils de la recherche. Mais avec les coupures sévères qui viennent d’être annoncées, il faut craindre que le Québec perde ses avantages par rapport aux autres provinces. On a beaucoup parlé des coupes de 13% dans le domaine de la santé. Mais le FQRNT (Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies) doit pour sa part subir une coupe de 30%, un recul de dix ans. Or, les personnes les plus affectées, ce sont les étudiants et les jeunes chercheurs qui obtiendront moins de bourses. Quelle est la logique quand on sait qu’il s’agit de la force active des équipes de recherche, et qu’il s’agit déjà du personnel le moins bien payé?

Entre recherche et science

Le virage vers la recherche a causé un autre biais qu’il faut questionner. En Voyant leur financement diminuer et en constatant que la clientèle étudiante au bac commençait à saturer, les universités ont modifié les critères d’excellence pour les professeurs. Désormais, l’expansion passait par la formation d’étudiants gradués et par l’ajout de laboratoire prestigieux. Pour preuves, le nombre de doctorats a explosé depuis une vingtaine d’années, et grâce aux fonds FCI (Fondation canadienne pour l’innovation), les laboratoires ont poussé comme des champignons.

Résultats : l'énergie productive des professeurs réguliers est désormais assignée essentiellement à la recherche, ce qui commence à s’étendre aux sciences humaines et sociales. L'enseignement n'est plus le critère principal de promotion, c'est plutôt l’épaisseur du dossier de recherche. Résultats : la performance individuelle est préférable au travail d’équipe, d’où la naissance des PME de recherche. Pour obtenir de plus en plus de subventions, la quantité a souvent remplacé la qualité et la performance individuelle a été privilégiée par rapport à la recherche en équipe. Et finalement la formation a été diluée et le temps qui y est consacré a été réduit.

Comme biais plus fondamental, cette dérive vers la quantité nous fait réfléchir : faire plus de recherche veut-il dire que l’on sert plus la science? Pour obtenir de plus en plus de subventions, n’est-il pas clair que l’attitude conservatrice est préférable à la proposition de nouvelles idées? Est-ce la faute du financement ou des universitaires? Il y a un peu des deux. Mais c’est certainement un point à mettre à l’ordre du jour.

La science ne devrait pas être confinée à l’université

Sur un autre terrain, la politique scientifique canadienne a été fortement axée sur l’université.
Constat 3 : Le caractère public des universités québécoises a généré une liberté académique presque parfaite. La permanence est à toute épreuve et les fonds publics pour la recherche sont gérés par les pairs, ie. des professeurs. Constat 4 : Cette situation a fait que les partenariats de recherche avec le milieu n’atteignent pas le niveau souhaitable. Nous sommes 23e au monde pour les partenariats université-industrie.

Comment résoudre le problème? Pas facile de changer la culture. Mais chose certaine, le milieu doit se pencher sur ce problème. Nos universités ont peut-être fait des choix coûteux. Mais c’est un peu gros de dire qu’elles sont mal gérées. Compte tenu de la situation en cours, il est clair que le financement est inadéquat. Le gouvernement doit en tenir compte. Mais des examens de conscience sont également nécessaires à l’interne. Si on veut que la recherche se porte mieux, il faut donc une implication accrue de l’industrie ainsi que des organismes publics en recherche.

Cette brève perspective des grandes transformations de la recherche et de la formation supérieure dans les universités québécoises montre que le problème est fort complexe. Certes le ministre Duchesne a promis des Assises sur la recherche pour le printemps. Mais lors du sommet, aucune discussion sur le financement universitaire ou sur la gouvernance ne tiendra la route si on n’inclut pas le très important poste de la recherche.

Quelques références

G. Lafrance (nov. 2009), Quel avenir pour la recherche? Éditions Multimondes.
G. Lafrance (18 janv. 2013), , Montréal, 91,3 FM.
G. Lafrance (nov. 2012), Examiner l’Avenir des universités, Québec science.


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