À l’heure où se multiplient les conséquences funestes des changements climatiques, que pouvons-nous faire pour mettre la planète et l’économie sur la voie du développement durable?
Les appels impérieux à l’action sont nombreux, mais rarement sont-ils dirigés vers le secteur des petites et moyennes entreprises (PME). Pourtant, c’est une pièce importante du puzzle. En effet, au Canada et de ce secteur sont attribuables aux PME.
Mais voilĂ qu’une Ă©quipe de professeurs et d’étudiants en sciences naturelles et humaines de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé a dĂ©cidĂ© d’éperonner les troupes. Elle a lancĂ© un projet de recherche pour amener les propriĂ©taires de PME canadiennes Ă parler dans les rĂ©seaux sociaux de leurs objectifs, de leurs Ă©cueils et de leurs bons coups dans la lutte contre les changements climatiques. Sur la plateforme en ligne, appelĂ©e « », on prĂ©sente des entreprises de secteurs divers – de l’agriculture Ă la fabrication de pièces d’automobile – dans des portraits rĂ©alisĂ©s en collaboration avec l’Office national du film du Canada (ONF).
« Il existe un tas d’études sur les mesures que les individus et les grandes entreprises peuvent prendre pour contrer les changements climatiques, mais Ă peu près rien sur les PME », fait observer Dror Etzion, professeur agrĂ©gĂ© Ă la FacultĂ© de gestion Desautels et chercheur principal du projet, financĂ© par le PĂ´le des systèmes de dĂ©veloppement durable de l’UniversitĂ© Ă山ǿĽé.
« Notre recherche porte sur les actions concrètes. Nous voulons savoir ce qui motive les entrepreneurs à agir contre les changements climatiques et, selon nous, l’accroche narrative est une pièce importante du puzzle. »
Les entrepreneurs se racontent
La plateforme PIVOT a permis à Oliver Boucher et à Alice Kreziak, étudiants en gestion œuvrant en développement durable, d’enrichir leur apprentissage en sortant complètement du cadre pédagogique.
L’été dernier, comme stagiaires de premier cycle au sein du programme PIVOT, ils ont fait du travail de soutien dans les médias sociaux pour une produites par l’ONF sur les mesures mises en place par les PME face à la pandémie. Au fil de cette expérience et lors d’ateliers de l’ONF, les deux étudiants ont appris à interviewer les propriétaires de PME pour les amener à se raconter.
« Nous voulons savoir ce qui les motive, précise Oliver, quel a été l’élément déclencheur » qui les a incités à faire prendre à leur entreprise le virage du développement durable. « Notre rôle est de faire ressortir les motivations de l’être humain derrière l’entrepreneur. »
Ainsi, dans et écrit à quatre mains, Oliver et Alice nous racontent comment un couple de la Saskatchewan propriétaire d’une ferme de 6 000 acres a réussi à composer avec les caprices d’un climat imprévisible. Après avoir consulté un microbiologiste, qui a diagnostiqué un manque de biodiversité dans leur sol, Tannis Axten et son mari ont appris la résilience des cultures par le recours à des méthodes naturelles. Cette découverte de la permaculture s’est révélée à la fois ardue et gratifiante.
Plus précisément, ils appliquent des pratiques de régénération afin d’augmenter la résistance des sols aux aléas du climat. « En faisant pousser plusieurs espèces au même endroit – ce qu’on appelle la ‟culture intercalaire” –, nous protégeons nos récoltes des fortes chutes de pluie et du soleil », explique Tannis. Chaque jour apporte son lot de défis à relever. « Nous n’avons pas eu peur de faire les choses autrement, et j’en suis fière », nous confie-t-elle, soulignant au passage que la pression sociale nous pousse vers le conformisme. « Ce n’est pas facile tous les jours, mais le jeu en vaut tellement la chandelle. » Et leurs nouvelles façons de faire ne passent pas inaperçues. « Je dois recevoir un ou deux appels téléphoniques par jour d’agriculteurs qui ont besoin de conseils », dit-elle.
La gestion à l’heure du développement durable
Oliver est originaire de Victoria, en Colombie-Britannique, et Alice a grandi dans un village de France. Tous les deux sont arrivĂ©s Ă Ă山ǿĽé au dĂ©but de leurs Ă©tudes universitaires. PassionnĂ©s d’environnement, ils se sont dĂ©couvert de multiples affinitĂ©s avec les Ă©tudiants et les professeurs mcgillois.
Dans le programme de gestion axée sur le développement durable de la Faculté Desautels, « j’ai rencontré d’autres personnes désireuses de mettre leurs compétences en gestion au service d’objectifs environnementaux et sociaux », raconte Oliver.
Quant Ă Alice, sa mère Ă©tait professeure d’universitĂ© et chercheuse en Ă©cotourisme. Ă€ Ă山ǿĽé, Alice a dĂ©couvert les liens unissant sociĂ©tĂ©, Ă©conomie et environnement.
Sa collaboration à PIVOT l’a convaincue encore davantage de l’importance de ces liens. « Il faut cesser de penser qu’une entreprise qui prend la voie de l’économie propre ralentira sa croissance; c’est une idée qu’il faut déconstruire, affirme-t-elle. Nous le voyons tous les jours dans nos interviews : la motivation première n’est pas l’argent, mais au bout du compte, le virage vert, c’est bon pour les affaires. »
Nouvelles perspectives pour une Ă©tudiante en biologie
Madeleine Gauthier, étudiante à la maîtrise en biologie, fait elle aussi partie de l’équipe de PIVOT. Après avoir obtenu son diplôme de premier cycle en biologie avec mineure en anthropologie, elle s’est lancée dans une étude sur la , qu’elle souhaitait réaliser pour sa thèse de maîtrise en collaboration avec une communauté autochtone du nord du Québec.
Huit mois après le début de ses travaux, coup de théâtre : la COVID-19 coupe court aux déplacements. Ne pouvant plus se rendre sur le terrain, l’étudiante a dû se trouver un nouveau sujet de thèse. Comme le hasard fait bien les choses, elle travaillait dans le laboratoire de la , cochercheuse principale du programme PIVOT. Madeleine a vu dans ce nouveau projet la possibilité d’explorer les sciences participatives sous un autre angle.
Elle s’est jointe à l’équipe de PIVOT à un moment de la pandémie où « nous ignorions comment évoluerait le projet, se remémore-t-elle. C’est difficile de convaincre une entreprise de jaser développement durable lorsqu’elle croule sous les difficultés financières et lutte pour sa survie. Les PME se tournaient vers le numérique pour tenter de conserver leur clientèle ». Madeleine s’est donc employée à répondre à la question que voici : quel effet le choc de la pandémie a-t-il eu sur l’intérêt des entreprises pour les questions environnementales?
Pour certaines, a-t-elle constaté, le développement durable est plus que jamais à l’ordre du jour. À titre d’exemple, malgré les difficultés qu’ils ont connues, certains restaurants sont plus déterminés que jamais à travailler avec des agriculteurs de leur région, tant pour réduire leur empreinte carbone que pour renforcer la sécurité alimentaire dans leur province.
Les échanges avec des entrepreneurs se sont révélés pour le moins différents – et éclairants – pour cette étudiante en biologie habituée de côtoyer poissons et végétaux. « Les PME ont un côté innovateur; elles peuvent rajuster le tir rapidement et sont toujours en mode solution », souligne-t-elle.
« J’ai de fortes convictions environnementales et je pense qu’il faut tout faire pour atteindre les cibles climatiques. » Le programme PIVOT « m’a fait prendre conscience qu’il est préférable de travailler avec les PME plutôt qu’uniquement avec les ONG ou l’État. »
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- Ty Burke a contribué au présent article.
À visionner : mettant en vedette une restauratrice de la Nouvelle-Écosse et un agriculteur de l’Ontario interviewés pour le projet PIVOT.