Le mandat de Sir John William Dawson au poste de principal de Ă山ǿĽé (1855-1893) est une pĂ©riode de grande transformation. Lorsqu’il prend ses fonctions Ă l’automne de 1855, le campus n’est qu’un fatras d’édifices Ă moitiĂ© construits (ou Ă moitiĂ© en ruines selon le point de vue), envahi par la vĂ©gĂ©tation et les mauvaises herbes. Dawson dĂ©cide de redynamiser les lieux, d’amĂ©nager le campus et de planter des arbres sur ses propres deniers. Il rĂ©invente aussi l’UniversitĂ© Ă de multiples Ă©gards, en indexant personnellement le fonds de la bibliothèque et en partageant son temps entre enseignement et administration.
Conscient qu’une grande universitĂ© doit pouvoir compter sur un système d’enseignement primaire et secondaire de qualitĂ© (« Ceux qui entrent Ă l’universitĂ©, fait-il remarquer, sont souvent trop jeunes et trop sommairement instruits »), il fonde l’École normale de Ă山ǿĽé pour former des enseignants aptes Ă prĂ©parer les jeunes esprits Ă l’universitĂ©. Il va sans dire que sa rĂ©putation d’« homme qui a fait Ă山ǿĽé » est amplement mĂ©ritĂ©e.
Pourtant et aussi surprenant que cela puisse paraĂ®tre, les membres du Conseil des gouverneurs de l’UniversitĂ© se dĂ©clarent dans un premier temps « étonnĂ©s et déçus » que Sir Edmund Head, l’alors Gouverneur gĂ©nĂ©ral, recommande que les rĂŞnes de l’UniversitĂ© soit confiĂ©es Ă ce jeune gĂ©ologue inconnu de Nouvelle-Écosse, plutĂ´t qu’à un « homme de marque venu d’Angleterre ». Or, c’est prĂ©cisĂ©ment ce statut de « marginal » qui a permis Ă Sir William Dawson d’aider Ă山ǿĽé Ă s’affranchir des modèles de l’Ancien Monde. La passion qu’il nourrissait lui-mĂŞme pour la science a de plus très certainement Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment dĂ©cisif dans l’établissement d’une universitĂ© qui devait devenir un haut lieu d’investigation scientifique.
William Dawson est peut-ĂŞtre un parfait inconnu pour les membres du Conseil des gouverneurs de Ă山ǿĽé, mais lorsqu’il accepte de devenir principal de Ă山ǿĽé, il possède dĂ©jĂ une excellente rĂ©putation au sein de la communautĂ© scientifique internationale, malgrĂ© une Ă©ducation qui s’est limitĂ©e Ă un seul cours de « philosophie naturelle » Ă l’AcadĂ©mie de Pictou et Ă un semestre Ă l’UniversitĂ© d’Édimbourg.
Pendant son adolescence en Nouvelle-Écosse, William Dawson se passionnait pour la géologie et était doté d’une insatiable curiosité. À la fin des années 1830, il s’aventure sur les célèbres falaises de Joggins, en Nouvelle-Écosse, où il trouve de nombreux fossiles. En 1853, le célèbre géologue britannique Sir Charles Lyell, en visite en Nouvelle-Écosse, est surpris par l’érudition largement autodidacte de Dawson. Ce dernier conduit Charles Lyell aux falaises de Joggins, où ils identifient ensemble ce qui reste encore aujourd’hui le plus ancien reptile connu, , preuve irréfutable que les reptiles, les oiseaux et les mammifères ont des ancêtres communs. (Cette découverte a littéralement galvanisé la communauté scientifique internationale et valu à Joggins d’être cité dans De l’origine des espèces de Charles Darwin.) Lowell a ensuite recommandé la candidature de Dawson à la Geological Society de Londres, permettant ainsi au jeune autodidacte de publier très rapidement ses articles dans son Quarterly Journal.
William Dawson a dirigĂ© l’UniversitĂ© pendant près de 40 ans et jamais sa passion pour la recherche ne s’est dĂ©mentie. Il passait ses vacances d’étĂ© sur le terrain, est retournĂ© Ă de multiples reprises sur les falaises de Joggins, a visitĂ© plusieurs autres sites importants dans le monde et ramenĂ© fidèlement tous ses nouveaux trĂ©sors Ă l’UniversitĂ©. Sa curiositĂ© ne se limitait pas non plus Ă la gĂ©ologie et il a abondamment publiĂ© dans le domaine de la botanique, de la zoologie, de l’archĂ©ologie, de l’agronomie et de la linguistique. Toujours soucieux d’employer utilement son temps, il conservait des spĂ©cimens gĂ©ologiques non identifiĂ©s sur le rebord de sa fenĂŞtre, au cas oĂą son emploi du temps lui donnerait quelques minutes de rĂ©pit.Â